Un chapelet dessinant les contours de l’Hexagone. À l’intérieur, l’inscription alarmante "Primaire : au secours, Jésus revient !" C’est la une de Libération du jeudi 24 novembre. En haut de page, le commentaire suivant : "Les lobbys catholiques sont-ils en train de désigner le futur président ? L’influence du religieux dans la compétition entre Juppé et Fillon inquiète."
Tout journal – heureusement – est libre du choix de ses titres. Incisifs, polémiques ou ironiques, ils attirent l’attention du lecteur et sont le condensé de l’article. Encore faut-il qu’ils correspondent à une réalité plausible et démontrable, non à une position partisane ou diffamatoire.
Le titre de Libération de ce jour se veut délibérément provocateur. Imagine-t-on les réactions si un quotidien national titrait sur toute sa première page "Au secours, Mahomet revient !" ? Et pourtant, il faut bien convenir que, si une religion pose problème aujourd’hui, ce n’est ni le catholicisme, ni le protestantisme, ni le judaïsme : c’est la religion musulmane, avec ses courants intégristes en expansion.
De plus, cet appel « au secours » laisse entendre que la religion fondée par le Christ et ses apôtres représenterait un danger pour la République. On a le droit d’être athée ou agnostique, de penser que tout dans l’univers doit s’expliquer rationnellement (encore faudrait-il, avant de soutenir un point de vue catégorique, relire l’ouvrage de Jean-Paul II, La Foi et la Raison). Mais présenter le christianisme comme un fanatisme, comme une religion de haine et de division, ce n’est pas de l’ignorance, c’est de la stupidité et de la malhonnêteté intellectuelle.
L’éditorial du directeur de la rédaction, intitulé "Zélotes" - terme aux connotations péjoratives -, ôte tout doute sur ses intentions. Il s’inquiète que "dans ce vieux pays sceptique et laïque, la religion sous sa forme la plus rigide occupe désormais le devant de la scène". Et ne croyez pas qu’il vise ainsi l’islam. Non ! Il cible principalement le catholicisme : "Encore un peu et ceux qui croient au ciel imposeront leur loi à ceux qui n’y croient pas." Les fanatiques, ce sont, bien sûr, les catholiques !
Ce n’est pas tout. L’éditorial laisse entendre que les catholiques pourraient être plus dangereux que les adeptes des autres religions : "Au communautarisme réel ou supposé des juifs et des musulmans s’oppose maintenant un communautarisme catholique qui n’est pas plus affriolant." Concluant par cet avertissement : "Comme on le sait, le sabre n’est jamais loin du goupillon." Les plus anti-calotins ne pousseraient pas le ridicule jusqu’à faire des insinuations aussi caricaturales.
La diffusion de Libération est en chute. Ce journal, comme d’autres, traverse de graves difficultés financières. Ce n’est pas en copiant les titres racoleurs d’un tabloïd qu’il pourra remonter la pente. Ce quotidien a la possibilité de contribuer utilement au débat démocratique, en défendant des opinions qui suscitent la réflexion et la confrontation d’idées : encore faudrait-il qu’il gardât une certaine hauteur de vue, évitant les travers de la partialité. Libération, s’il veut subsister, doit se libérer de ses chaînes.
Sans compter que de tels procédés sont contre-productifs auprès de lecteurs armés de quelque sens critique. En présentant François Fillon comme le jouet des lobbys catholiques, on risque fort, non de lui faire perdre des voix, mais de lui assurer une victoire encore plus large.
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