Parmi les mesures préconisées par Marine Le Pen après l'attentat de Nice figure le rétablissement du service national.

Le président Chirac annonça sa suppression en 1995. Aujourd'hui, il est question de le rétablir, et pas seulement au Front national. Face au désarroi de la population, il semble paré de toutes les vertus et susceptible de répondre à un triple défi : relancer l'intégration en panne de jeunes désœuvrés que guette la radicalisation, rassurer la population par la restauration d'une vieille institution républicaine, et répondre au défi de la faiblesse structurelle des effectifs de nos armées, laminés par les lois de programmation militaire de MM. Sarkozy et Hollande.

Mais cette proposition traduit malheureusement une méconnaissance de ce que fut le service national et des réalités du moment. En effet, ce service coûtait trop cher et ne répondait pas aux exigences d'une armée moderne, qui nécessite des professionnels. Et les mêmes raisons qui ont conduit à sa suppression sont plus que jamais des obstacles à son rétablissement.

Où trouver les instructeurs, les structures et les moyens quand le budget de la Défense a été réduit de 20 % en 25 ans (en euros constants) et que les effectifs ont fondu de 70.000 de 2006 à aujourd'hui ? Il faut, évidemment, faire un effort budgétaire considérable en faveur de la Défense, mais pas pour rétablir un outil inadapté et imposer de nouvelles missions à nos armées.

En outre, ce service échouait à remplir sa mission civique car il ne touchait plus la totalité de la jeunesse, et notamment celle des banlieues. C'est ce que je constatai quand je fis le mien en 1995. Car la République, c'était aussi le monde du piston et des passe-droits… Le service national creuset de la République était donc, depuis longtemps, une illusion de grand-papa.

Mais, à présent, le rétablissement du service militaire serait aussi dangereux. En effet, le service d'antan ne réussissait, à l'époque de mes parents et de mes grands-parents, à parfaire des Français patriotes que parce qu'ils avaient déjà un profond sentiment d'appartenance à la communauté nationale, transmis par leur famille, leur culture, fût-elle rudimentaire, leur religion et l'école.

Or, le terreau dans lequel grandit une partie de la jeunesse des banlieues, et de France, est bien différent : au mieux, l'amour de la patrie ne suscite qu'indifférence, par inculture, idéologie de gauche ou universalisme naïf ; au pire, on y déteste la France et on se sent d'une autre communauté.

Faut-il donc donner une formation militaire à tous les jeunes ? Ce serait prendre le risque de fournir des compétences, des renseignements et des armes que certains jeunes radicalisés ou en voie de l'être pourraient mettre au service des ennemis de la France. Fantasme ? N'a-t-on pas vu, ces dernières années, certaines recrues refuser d'aller combattre en Afghanistan ? Et aujourd'hui que notre armée doit intervenir contre les djihadistes dans plusieurs pays du monde mais aussi dans certaines banlieues sensibles, ce risque ne peut être écarté.

C'est dire à quel point le rétablissement du service national obligatoire universel pourrait se révéler non seulement inefficace et coûteux, mais aussi dangereux. Les dirigeants de la droite et du Front national feraient bien de ne pas singer l'amateurisme des socialistes dans leur gestion désordonnée de la crise islamiste. Les Français attendent désormais de leurs futurs dirigeants une vraie vision sur ses causes et les outils de moyen et long terme pour en sortir.

La sélection des soldats chargés de défendre la France et les Français, au moment où M. Hollande lance précipitamment des appels à l'engagement dans la réserve et la garde nationale, doit donc être menée avec le plus grand discernement.

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22 juillet 2016

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