On croyait que les Anglais avaient inventé le fair-play. Le gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté y aurait-il renoncé ? Alors que Philippe de Villiers vient de réussir, en quelques jours, l’exploit de financer l’achat de l’anneau de Jeanne d’Arc et son rapatriement en France, le Conseil national des arts (Art Council) lui a fait savoir qu'il considérait que l'anneau pourrait entrer parmi les « objets de haute valeur symbolique du patrimoine national britannique », et qu'à ce titre il faisait l'objet d'un règlement européen.

Messieurs les Anglais, nous pensions que la première guerre de Cent Ans était terminée depuis 1453. Et qu’en dépit des siècles de batailles qui nous firent encore nous affronter, vous aviez décidé il y a un siècle d’être enfin de fidèles alliés. Ce que vous faites, là, est véritablement shocking !

Jeanne d’Arc est une de nos grandes figures nationales. Que vous l’ayez brûlée à Rouen n’y est pas indifférent : la pucelle d’Orléans a catalysé un peuple, une armée, une aristocratie et un roi qui doutaient. Elle a semé en France les germes du patriotisme. Elle ne vous haïssait point, ne souhaitant que vous repassiez le Channel que pour vivre en paix loin du royaume des lys. Elle a permis de vous bouter hors de France et a réduit à néant les prétentions féodales de vos rois qui, se disant descendants de Saint Louis - et ils l’étaient -, guignaient le plus beau trône de la chrétienté.

Jeanne d’Arc vous a combattus sans trêve et sans haine. Un évêque félon, passé du côté de l’occupant, s’est commis pour un simulacre de procès et a fait condamner la jeune fille pour vous complaire. Lorsque Jeanne a péri dans les flammes de la place du Vieux-Marché en invoquant le nom de Jésus, certains d’entre vous pleuraient : nous avons brûlé une sainte.

Cauchon, l’évêque félon, avait pris à Jeanne cette bague dont on parle tant aujourd’hui, et dont certains mettent en cause l’authenticité. Vous l’avez conservée pendant six siècle. La voici revenue sur le sol français. Et vous nous la réclamez…

Voulez-vous aussi que nous vous restituions les cendres de la sainte, dispersées en Seine du haut du pont de Rouen le soir du 30 mai 1431 ? Voulez-vous que nous vous prêtions la statue de Real del Sarte qui s’élève à l’emplacement du bûcher de Rouen ? La tour Jeanne-d’Arc, en cette même ville, au motif que vous l’occupâtes suffisamment solidement pour y enfermer notre bergère lorraine ? Voulez-vous que nous vous donnions notre sainte nationale, notre symbole, notre héroïne - même notre mythe, pour ceux qui n’y croient pas ?

Mais si au moins vous nous réclamiez cette bague au nom d’une tradition royale, d’un intérêt britannique supérieur, de l’honneur de votre drapeau… Mais vous osez nous la réclamer en vertu d’un règlement européen ! Quelle inélégance !

Messieurs les Anglais, laissez Jeanne en paix. Le Prince Noir est mort, qui ravagea la Guyenne. Et Henri V aussi, qui fit d’Azincourt le tombeau de la chevalerie française. Nous vous laissons Cromwell, Nelson, Churchill et Margaret Thatcher. Mais Jeanne est sacrée !

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21 mars 2016

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