La fin de la guerre civile libanaise en 1991 s'est soldée par une réforme de la Constitution réputée avoir affaibli le pouvoir des chrétiens, qui détenaient jusque-là, de droit, 55 % des sièges du Parlement, et les postes clés de l'exécutif (présidence de la République, chef des armées).

En réalité, la nouvelle Constitution a plutôt rééquilibré les forces : ces derniers ont conservé toutes leurs fonctions. Les pouvoirs du Président ont été revus à la baisse - en faveur du Premier ministre (musulman sunnite) - ainsi que la répartition des sièges au Parlement (50 % pour chacune des deux communautés), mais nous sommes loin d'une marginalisation.

Et pourtant, il y a bien un affaiblissement du pouvoir des chrétiens au Liban depuis 25 ans, dû à deux autres facteurs : d’une part, le mode de scrutin machiavélique (imposé sous l'occupation syrienne) qui fait en sorte que 75 % des députés chrétiens sont élus par des voix musulmanes. D'autre part, le fait que le parti chiite Hezbollah possède une milice de plus de 30.000 combattants aussi bien équipée que l'armée libanaise.

En somme, la communauté musulmane a accepté de conserver le pouvoir des chrétiens à conditions de choisir pour eux ceux qui le détiendront !

On peut ainsi remarquer que depuis 1991, les présidents de la République qui se sont succédé n'étaient pas représentatifs de la communauté chrétienne. Quant aux musulmans, seuls 5 % de leurs députés sont élus par des voix chrétiennes et il serait impensable que le Premier ministre sunnite ou le président du Parlement chiite ne soient pas les chefs charismatiques de leur communauté. D'ailleurs, le Hezbollah l'affirme clairement : l'élection du président de la République doit être consensuelle (entendez : décidée à l'avance avec leur accord) et toute élection d'un chiite non représentatif de sa communauté serait interprétée comme une provocation.

Or, depuis plus de 18 mois, le Liban n'a pas de Président, l'élection étant bloqué par le Hezbollah qui boycotte les séances, décrétant que le Parlement ne peut élire un Président sans un quorum des deux tiers. Tout cela est, bien sûr, étranger à la Constitution, mais la menace armée est autrement plus efficace que le droit constitutionnel.

Deux principaux candidats chrétiens s'étaient déclarés : Michel Aoun, soutenu par le Hezbollah, et Samir Geagea, soutenu par les sunnites. Mais au Liban, la question n'est pas de savoir quel est le candidat officiel de tel ou tel parti mais quelle stratégie se cache sous les soutiens des uns et des autres. Comme on l'a rappelé plus haut, les musulmans ne veulent pas d'un Président chrétien puissant, Aoun ou Geagea ne sont que des pions dans un jeu d'échecs, dans un semblant de négociation aboutissant à l'élection d'un inconnu réputé consensuel, autrement dit faible. Le général Aoun semble pourtant croire au soutien indéfectible du Hezbollah.

Quoi qu'il en soit, dans un souci de renforcement du camp chrétien, Samir Geagea avait entamé depuis des mois un rapprochement avec le parti de Michel Aoun, aboutissant à une charte d'entente, très mal vue d'ailleurs par les alliés sunnites et chiites de l'un et de l'autre.

Mais personne ne s'attendait à ce qu'il retire sa candidature en apportant son soutien à son ancien ennemi juré, ce qui est désormais chose faite.

Le but est simple : piéger le Hezbollah et démontrer aux partisans de Michel Aoun que leur principal allié se moque d'eux. L'embarras du parti chiite depuis le début de la semaine et son silence donnent raison à Samir Geagea. En tout cas, si le Hezbollah veut faire élire Michel Aoun et, donc, un Président chrétien fort, plus rien ne l'empêche ; le voilà dans de beaux draps.

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22 janvier 2016

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