Il aura donc fallu plus de 24 heures pour que le parquet antiterroriste se saisisse de l'attaque de la préfecture de police de Paris de jeudi. Les éléments qui ont filtré tout le long de la journée sur la radicalisation du tueur (conversion à l'islam, fréquentation de la mosquée de Gonesse, témoignage de l'épouse et des voisins, signalement dès 2015, etc.) sont accablants.

Mais accablants, d'abord, pour les responsables de l'institution policière, et donc de l'État. Une fois de plus, Christophe Castaner a parlé trop vite ou trop peu (pour ne pas dire qu'il a menti). Accablant, aussi, pour le préfet de police. Comment les Français peuvent-ils faire confiance à ces gens pour les protéger quand ils ne sont même pas capables, au cœur du dispositif , dans le saint des saints qu'est la préfecture de police, de s'assurer de la loyauté de tous ses agents et d'assurer la sécurité de tous ?

Par ailleurs, on ne peut qu'être stupéfait par la vague de relativisation médiatique de l'événement. Passons sur les contorsions habituelles de la presse mainstream (France Inter, Le Monde) qui noient l’événement dans les eaux de la PMA-GPA ou les fumées de Rouen qui, tout d'un coup, redeviennent intéressantes. Passons sur la légèreté du Président Macron qui n'a pas annulé, jeudi soir, son débat sur les retraites à Rodez. Passons encore sur les réactions de certains responsables syndicaux policiers qui s'empressèrent d'alimenter la thèse du fait divers « comme il en arrive dans n'importe quelle entreprise »...

Mais interrogeons-nous nous-mêmes : avons-nous bien mesuré la gravité de ce qui s'est passé ? Sa signification dans l'Histoire de France en train de se faire ? Un islamiste fonctionnaire de la préfecture de police depuis des années tue quatre policiers à l'intérieur même de ce bâtiment historique, lieu symbolique s'il en est.

Les Français qui ont un peu de mémoire historique se souviendront que la dernière fois que la préfecture de police a été le théâtre d'une scène aussi sanglante, ce fut en août 1944, à la Libération. C'était la guerre.

Depuis 2012 et les attentats de Toulouse, plus encore depuis 2015, nous sommes en guerre. Manuel Valls, lorsqu'il était au pouvoir, ne cessait de le rappeler. Et dans cette guerre, des Français, au nom de l'islamisme, attaquent, assassinent des Français.

Ce 3 octobre 2019, cette guerre sans nom, que beaucoup ne veulent pas voir, que nos gouvernants ne veulent et ne savent pas mener, a franchi un nouveau palier : les Français découvrent, incrédules, que l'ennemi s'était infiltré au cœur de l'institution chargée d'assurer notre sécurité. Les questions et les doutes qui nous assaillent ont aussi franchi, ce soir, un nouveau palier. Et le Président comme le Premier ministre ne pourront s'en tirer par de simples mesures de communication.

Après la mobilisation, elle aussi historique, des policiers la vieille de cette attaque, la question de la démission du ministre de l'Intérieur est posée. Le renvoi de M. Castaner est la première mesure qui s'impose. Si elle est indispensable, elle ne suffira pas. Plus encore que pour Rouen, les Français sont en droit d'obtenir des explications. Rien ne serait pire, pour le pouvoir, que de faire le gros dos et de compter sur le prochain événement qui chasserait celui-ci.

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05 octobre 2019 à 10:06

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