Implosion politique du G5 Sahel, explosion colérique contre la France : la faute à Wagner ?

WAGNER

Exaspéré, le Mali a annoncé ce 15 mai son retrait de la coalition du G5 Sahel, en guise de protestation contre le refus de certains membres et partenaires, eux-mêmes sous pression internationale notamment de la France, de le nommer à sa présidence. En effet, la conférence des chefs d’Etats de l’organisation prévue à cet effet en février ayant été reportée sine die, le régime de transition au Mali y voit une ingérence dans ses affaires intérieures.

Par coïncidence qui ne doit rien au hasard, on constate par ailleurs ces derniers temps une vague de manifestations de rue véhémentes contre la France dans les pays francophones d’Afrique de l’ouest et centrale, en particulier au Tchad. La faute de cette colère, spontanée ou fabriquée, en incomberait-elle à la célèbre société russe de sécurité privée Wagner, objet de fantasmes journalistiques et de commodes accusations politiques ?

Car, actualité ukrainienne oblige, par une russophobie en vogue dans les capitales occidentales suivies mollement par leurs interlocuteurs obligés africains, la tonalité médiatique générale accuse la Russie d’en être l’instigatrice via son bras armé présumé, au nom évocateur de déesses valkyries semant la mort et d’un crépuscule des dieux annonciateur de la fin d’une époque de tutelles révolues. Excuse commode mais injustifiée aux manquements coupables des États concernés et aux aveuglements responsables de leurs partenaires étrangers, d’un G5 Sahel dont on a déjà pointé le constat accablant (3), le diagnostic inquiétant , le pronostic oppressant largement confirmé.

Le chaos socio-économique y est la conséquence, et non la cause, du chaos politique . Or, pour ces mouvements populaires d’émancipation, révoltes improvisées plutôt que révolutions planifiées, le respect de la souveraineté nationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États ne s’applique pas. Cette idéologie à géométrie variable est pourtant sans cesse invoquée par la communauté internationale, quand elle veut couvrir la pire gouvernance de régimes corrompus mais dociles, au nom de la sacro-sainte stabilité (real)politique.

C’est que les régimes de transition actuels en Guinée Conakry, au Mali, au Burkina Faso, ont eu l’insolence de s’affranchir de la permission internationale de renverser ces régimes défaillants et prédateurs protégés. Le concept de légitime défense ne s’applique pas, en droit international, aux peuples victimes de leurs tyrans. Lassées par la longanimité et la nolonté de ces autorités de tutelle, les sociétés civiles concernées ont eu l’impudence de soutenir ces rebelles, au grand dam de leurs autorités régionales et continentales, qui s’en accommodaient aussi.

On aimerait savoir où sont passées les sommes considérables d’aide publique financière internationale accordées ces cinq dernières années pour un résultat insignifiant, dont les 2,5 milliards de dollars accordés à l’Union africaine lors du sommet du 13 janvier 2020. Le ministre français de la Défense, Mme Parly, avait eu beau proclamer que le nouveau dispositif permettrait de « triompher du terrorisme », expression fanfaronne digne des néo-cons états-uniens, on a vite compris que ce sommet de Pau n’aurait pas raison des islamistes. Un an plus tard, le 16 février 2021, un énième sommet du G5 Sahel, en distanciel, consacrait à nouveau le triomphe du verbe creux. Les victoires tactiques militaires face à « une hydre aux mille têtes reviviscentes » qu'Emmanuel Macron prétendait décapiter, n’ont pas compensé la défaite stratégique du G5 Sahel, dont personne ne semblait vouloir fixer de limites à son coût financier et humain.

Finalement, cette crise institutionnelle pourrait être l’occasion d’une remise en cause salutaire d’un G5 Sahel inopérant, sous peine - l’islamisme ayant horreur du vide territorial -, d’un déferlement inédit de violences terroristes et d’une réaction en chaine de renversements de régimes politiques dans toute la région - car les candidats ne manquent pas. À condition de placer les États concernés face à leurs responsabilités. À condition aussi, pour la France, de ne plus se mêler du destin des autres alors qu’elle a tant de graves problèmes à régler sur son territoire, attirant sur ses ressortissants un ressentiment immérité. À condition, enfin, de ne pas rejeter la faute sur Wagner.

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Jean-Michel Lavoizard
Ancien officier des forces spéciales. dirige une compagnie d’intelligence stratégique active en Afrique depuis 2006

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Heureusement que le Burkina Faso ne suit pas la terrible fuite en avant du gouvernement Malien actuel qui ne tient que par la stigmatisation paranoïaque de la France. Chaque jour, que ce soit dans les journaux étatiques ou sur les réseaux sociaux, la France y est insultée, conspuée, stigmatisée. Louis Boyard ‘le dealer’ qui dit qu’en Vendée c’est triste car il n’y a que des blancs devrait venir faire un tour à Bamako voir s’il y a la diversité ethnique.

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