Le sommet de Pau du G5 Sahel sur le terrorisme islamiste : le triomphe du verbe

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Au lendemain d’un sommet du G5 Sahel (1) qui s’est tenu, ce 13 janvier 2020, à Pau, on peut se demander ce qu’il en sort de vraiment nouveau, et qui soutient qui dans ce ballet institutionnel.

En effet, les médias dominants rapportent que les chefs d’État du G5 Sahel soutiennent le Président Macron ! On s’attendait plutôt à l’inverse, jusqu’à réaliser que le calendrier des (ré)élections des uns et des autres les amène à se soutenir mutuellement, comme l’a montré récemment la visite éclair du Président français en Côte d’Ivoire (élections présidentielles en octobre 2020) et au Niger (élections présidentielles et législatives en décembre 2020).

Côté politique, on a eu droit à des portes ouvertes que chacun d’entre nous aurait pu ouvrir seul. Pour autant, on aurait tort de se prendre pour des stratèges, car comme on l’a déjà souligné, Emmanuel Macron ne fait que « renvoyer son public à ses propres interrogations dans une posture faussement modeste, avec un art consommé de dire à son auditoire du moment ce que celui-ci a envie d’entendre dans l’instant » : pourquoi la France est au Sahel ? Parce que la menace terroriste ne reste jamais locale ; à la demande des États sahéliens, pour les aider à préserver et à exercer leur pleine souveraineté.

Or, on peut douter que continuer à soutenir les mêmes États défaillants sans réelle conditionnalité mesurable ni changement contrôlé de gouvernance réglera de soi le problème. D’autant plus que, traditionnellement, l’évaporation des finances publiques et du tonneau des Danaïdes de l’aide internationale augmente en période électorale. Alors que les attentats terroristes augmentent sans cesse en nombre et en dommages, le président en exercice du Burkina Faso et du G5 Sahel, Roch Kaboré, a timidement reconnu que « les résultats sont en deçà des attentes ». On attend de voir d’où viendront les 2,5 milliards de dollars américains annoncés de contribution de l’Union africaine, quand ils seront décaissés, puis à quoi ils seront réellement employés.

Côté militaire, ces grands stratèges découvrent que le renseignement est essentiel (!) et la coordination importante (!). Voilà un retour d’expérience inspiré. Cent ans après ses faits d’armes, le maréchal Foch apprécierait de voir ainsi ses principes remis au goût du jour : liberté d’action, économie des forces, concentration des efforts.

C’est ainsi qu’est venue « l’idée géniale » de resserrer la zone d’action autour des « trois frontières » (Mali, Burkina, Niger) face à un ennemi enfin défini mais flou (l’État islamique du Grand Sahara), d’organiser une (meilleure) coordination, avec le renforcement (peu impressionnant) de 220 soldats français. En relais fidèle, le ministre des Armées français, malgré son insistance à souligner le caractère prétendument nouveau de ce énième sommet institutionnel, brille davantage par sa loyauté politique que par sa compétence, et manque de crédibilité opérationnelle. Mme Parly a beau proclamer que le nouveau dispositif permettra de « triompher du terrorisme », expression fanfaronne et creuse digne des néo-cons états-uniens, ce sommet de Pau n’aura pas celle des islamistes.

Décidément, la communication verbeuse a pris le pas sur l’action concrète, ce qui agaçait profondément l’amiral Pierre Lacoste, très grand et rare vrai serviteur de l’État français, qui vient de nous quitter. On peine à voir dans ce sommet, comme l’annonce Macron, « un tournant très profond dans la méthode et l’approche ». Finalement, ses réels bénéficiaires potentiels sont le maire de Pau François Bayrou à l’approche des élections municipales, et Emmanuel Macron à celle de la présidentielle.

(1) Créé en 2014, le G5 Sahel comprend la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad

Jean-Michel Lavoizard
Jean-Michel Lavoizard
Ancien officier des forces spéciales. dirige une compagnie d’intelligence stratégique active en Afrique depuis 2006

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