Cinéma français : exception culturelle ou tonneau des Danaïdes ?

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La Cour des comptes a décortiqué le fonctionnement du Centre national du cinéma (CNC) sur les années 2021-2022. Le CNC finance le cinéma français en mode pompe à fric, puisque 60 à 70 % de ses ressources reposent sur des taxes. D’où, note la Cour des comptes, « une situation financière très confortable », « un fonds de roulement et une trésorerie élevée », ce qui ne l’empêche pas de peser sur les finances publiques en ayant recours à des crédits budgétaires.

Notant que le CNC finance une politique de soutien « généreuse » qui « bénéficie d’un large consensus des professionnels qui y sont étroitement associés » (tu penses !), la Cour des comptes relève, en conclusion, « une moindre efficience des aides ». Comprenez, derrière l’anglicisme, que le CNC finance beaucoup de films qui font un flop en salles. Leur contribution « au succès et au rayonnement du cinéma français, objectifs centraux de la politique de soutien, semble loin d’être probante », écrit poliment la Cour des comptes.

Le CNC étant prodigue, il y a de plus en plus de films produits. Mais la fréquentation du public baissant, beaucoup d’entre eux restent une semaine en salles et disparaissent. C’est mathématique. Faudrait-il mieux cibler les aides ? Nous touchons là un point sensible pour la grande famille du cinéma, très chatouilleuse. « Cette question d’un biais "nataliste" de la politique de soutien est souvent écartée par les professionnels au motif qu’il convient de garantir la créativité de cette activité et que la valeur culturelle d’un film n’est pas réductible à son seul succès public. » Bien sûr que le succès n’est pas le critère de la valeur d’une œuvre, film ou autre. Les poèmes de Péguy ou les tableaux de Van Gogh ont attendu longtemps la reconnaissance qu’ils méritaient. Mais dans le domaine qui nous occupe, le déchet est important : un tiers des films n’atteignent pas les 20.000 spectateurs et seuls 2 % des films sont rentabilisés. Pas sûr qu’il n’y ait que des chefs-d’œuvre qui passent à la trappe.

Cependant, ni Péguy ni Van Gogh ne vivaient des aides publiques. Le cinéma français, lui, vit sur un modèle socialiste : taxer pour gaspiller sans compter. Les professionnels du secteur ont une expression plus flatteuse pour caractériser ce modèle : l’« exception culturelle française », qu’il s’agit de protéger à tout prix contre la « marchandisation » – comme le dénonçait la réalisatrice Justine Triet, lors du dernier Festival de Cannes.

« Nous ne sommes pas en train de préconiser qu’il y ait moins de films, mais de faire en sorte qu’il y ait moins de films qui ne rencontrent pas leur public », a précisé Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors d’une conférence de presse. La phrase se veut rassurante, mais à lire entre les lignes. Il faudrait, pourtant, que les professionnels se remettent en cause. Quand un film fait un four, la faute n’en revient pas toujours au public. On en a vu, des thèmes rebattus, des scénarios reposant sur du vide, des dialogues creux, des comédies où tout le potentiel humoristique est épuisé dans les trois premières minutes du film, des thématiques monomaniaques… Trouverons-nous, par exemple, un seul film français qui aurait un regard sur les migrants autre que laudateur ?

Avec sa prétention à être exceptionnel, le cinéma français est souvent prévisible. Aussi les spectateurs courent-ils vers Netflix. Bien sûr, la plate-forme diffuse l’apologie LGBT et wokiste – à peine plus, après tout, qu’un cinéma français très militant et conformiste –, mais elle est aussi créatrice de contenus de qualité (on ne peut que recommander l’excellente mini-série Tapie, sortie ce mois-ci). Or, le cinéma français vit sur cette bête-là aussi, grâce à la « taxe Netflix » (créée en 2013 en élargissant la TSV, taxe sur la vidéo physique en ligne)… Taxer celui qui a des idées pour financer celui qui n’en a pas : encore un truc socialiste.

Mais que les professionnels du cinéma se rassurent. Un rapport de la Cour des comptes n’oblige à rien. Sa recommandation n° 7, « mettre en œuvre une réforme approfondie des aides », restera lettre morte. Ensuite, aucun signe n’annonce la fin de la manie taxatrice en France. Les films insipides, moralisateurs et barbants, recommandés par la presse et projetés devant des salles vides, ont encore de belles heures devant eux.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Nous le savons. Le CNC a subventionné une réussite interplanétaire qui a presque atteint les 1000 entrées en salle, réalisée par l’incomparable BHL. Combien pour « Vaincre ou mourir! » ? ZERO !

  2. A l’exception de quelques rares réussites cinématographiques pour regarder jusqu’à la fin un film Français Il faut être masochiste ou gauchiste décérébré l’un n’allent pas sans l’autre me direz vous Voilà bien longtemps que je ne puis m’y résoudre

  3. Finalement, si la Cour des Comptes ne sert à rien, pourquoi la conserver ? Autant économiser tout ce qu’elle coûte non ? Ou alors donner des moyen législatifs (pas financiers, ça suffit) pour que ses rapports soient suivis d’un minimum de modification dans nos finances !

  4. Pour ma part ( je l’ai déjà écris ici) je ne regarde JAMAIS les films ou séries français gauchisants !!! ma référence cinématographique s’arrête à des personnages comme jean marais, gabin, bourvil, bebel, delon et leurs contemporains… au-delà de ça, c’est corbeille!

  5. L’exception culturelle française consiste à la cigale de vivre du travail de la fourmi. Mais un jour, lorsque de fourmis, il n’y aura plus, les cigales s’en iront. Ce n’est pas le public qui boude le cinéma français, mais ce dernier qui se moque du spectateur.

  6.  » Le cinéma français, lui, vit sur un modèle socialiste : taxer pour gaspiller sans compter.  » Tout est dit.

  7. Coût des financements de ces films sans spectateurs : 1,7 milliard d’euros,
    Déficit du régime des intermittents du spectacle : 1 milliard d’euros
    Total : 2,7 milliards d’économie potentielle.

  8. En tant que projectionniste d’un petit cinéma municipal de province, je confirme. Sans oublier la main-mise des gauchistes sur beaucoup d’associations gravitant autour du monde du cinéma et la trouille des municipalités dites de droite finançant les cinémas sans soit vouloir avoir un droit de regard sur les films diffusés, soit en acceptant la diffusion de films ou de débats complètement opposés aux idées qu’elles disent défendre et pour lesquelles elles ont été élues. Un bon test sera la diffusion ou non de « Sounds of Freedom » quand il sera distribué en France (s’il l’est au bout du compte).

  9. Beaucoup de films aujourd’hui proposés en salle n’enchantent guère, ils ne sont pas « grand public » comme la clament avec dédain les critiques avertis. Les films attirant les foules sont eux rentables mais leurs réalisateurs et leurs acteurs risquent rarement de se voir récompensés par « la profession ». Résultat de moins en moins de spectateurs en salles mais toujours autant de subventions pour produire ces films que le public considère par sa désaffection comme des navets.

    • C’est exactement le cas : le cinéma français, pris en main par la gauche et ses subventions, est devenu un vaste champ de navets.

  10. Tonneau des Danaïdes. Cependant, comment ne pas laisser le champ libre à des opérateurs qui viendraient ruiner cet art dans les salles de cinéma. Places très chères dans de nombreux cinémas. Bref, a-priori, d’éventuelles solutions ne sont pas simple… / Ne pas ignorer, bien sûr, tous ces gens « du métier » qui crachent dans la soupe ( sauf respect ). Pourquoi ne prendraient-ils pas un carton rouge ?

  11. Stop aux aides financières aux producteur et pseudo artistes qui ne produisent que des « navets » ou seul le Q et la tuerie sont les principales actions !

  12. Régulièrement l’on nous rediffuse des films aux seules fins de soutenir les droits permettant à bien des réalisateurs, actrices etc. Parmi ces droits, la fameuse « Intermittence » en réalité les indemnités du chômage. Et puis le cinéma, comme la politique spectacle est une grande famille avec tout ce que l’on y cache en certains placards guère reluisants.

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