[DVD] Et si on redécouvrait le western européen

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Les ignorants évoquent généralement le « western spaghetti », forgerie sémantique due à une presse américaine, indignée que d’autres qu’eux puissent mettre en images leur geste messianique. Soit celle consistant en ce soft power ayant consisté à affirmer au reste du monde que si les immigrants clandestins du Mayflower étaient venus massacrer les Amérindiens, c’était juste pour leur bien. Longtemps, ce récit eut force de loi. John Wayne et sa perruque en furent les prophètes, même si ayant l’un des rares acteurs hollywoodiens à ne s’être pas engagé durant la Seconde Guerre mondiale. En fait, il serait autrement plus judicieux de parler de « western européen », s’agissant généralement de coproductions italo-germano-allemandes et même parfois françaises.

Dans les mémoires que lui a consacrés Christopher Frayling (Actes Sud), Sergio Leone, le pape du genre, explique en substance que la fascination des USA lui est venue avant-guerre, et que la détestation ne lui soit ensuite survenue à la vision des exactions des troupes américaines sur sa terre natale, avec pillages, viols et retour de la mafia aux affaires. Ce qui explique mieux la vision pessimiste du western européen quant à la conquête de l’Ouest. D’où ces cow-boys crasseux et sans scrupules.

Les USA ne s’y retrouvent alors donc pas, avant que le « Nouvel Hollywood » n’y mette son grain de sel avec des films tels que Soldat bleu (1970) de Ralph Nelson ou le sublime Pat Garett et Billy le Kid (1973) de Sam Peckinpah.

Puis vient ce que l’on surnomme le « western zapatiste », qui dénonce les menées yankee en Amérique latine. Ce genre est à l’époque donné pour être de gauche. À la revoyure, il serait plutôt de droite ; droite pas tout à fait atlantiste, il va de soi. Depuis longtemps disparu des écrans, le western européen s’est un peu refait la cerise dans les vidéo-clubs de jadis, avant d’être remis à l’honneur par cet ignoble faisan de Quentin Tarantino. À ce titre, sa relecture de Django (1966), le chef-d’œuvre de Sergio Corbucci, dans l’effroyable nanar éponyme tourné en 2012 pouvait déjà laisser entrevoir l’ampleur du désastre, puisque repeinturluré aux couleurs de la bienveillance inclusive et de l’antiracisme gluant.

Le mieux, comme toujours, consiste donc à se tourner vers les originaux plutôt que vers les copies. Et là, il faut bien constater que les artisans d’Artus films, souvent cités en ces colonnes, font plus que des merveilles, exhumant avec une patience de moines bénédictins des pépites jusque-là oubliées. Un tour de force grâce auquel nombre de joyaux sont aujourd’hui disponibles en DVD, même si nombre d’entre eux sont malheureusement épuisés à ce jour. Florilège :

Le dernier jour de la colère, de Tonino Valerii (1967)

L’éternelle histoire du maître et de son disciple. Sauf que là, le transmetteur de savoir, Lee Van Cleef, est un fourbe et que son nigaud d’apprenti, Guiliano Gemma, n’est pas le pire du troupeau. Si le film avait été tourné en Angleterre, on aurait évoqué un drame shakespearien. Pas de chance, il le fut sous le soleil d’Almeria, en Espagne. Au soleil, la tragédie serait-elle moins sombre ? Non, même si la gentillesse peut aussi avoir raison de la méchanceté. Au cinéma, il n’est jamais interdit de rêver.

Le retour de Ringo, de Duccio Tessari (1965)

Imaginer le retour d’Ulysse qui, après un aussi long voyage, retrouve enfin ses pénates, il fallait l’oser. Ce que Duccio Tessari a fait. Ce cinéaste ne manque pas de lettres de noblesse, lui qui, avec Les Grands Fusils (1973), signe l’un des meilleurs films d’Alain Delon, de loin supérieur à cet invraisemblable navet que demeure La Piscine (1969) de Jacques Deray. Au final ? Un drame poignant. Aussi bon qu’un récit d’Homère. Voilà qui tombe bien. C’était un peu le but.

Trois pour un massacre, de Giulio Petroni (1969)

Parfois plus connu sous un autre titre, Tepepa, voici le maître étalon du western anti-impérialiste. Le nationalisme mexicain y est plus que mis à l’honneur ; mais aussi son homologue italien. Ce qui est d’autant plus logique qu’alors, les USA se conduisent comme s’ils étaient chez eux, à la fois de l’autre côté du Rio Grande comme aux abords du Tibre, en ces sinistres années de plomb. En ganache galonnée, Orson Welles déploie là des merveilles de fourberie. Tout comme John Steiner, l’un des plus fameux traîtres de comédie d’alors. À la fin, ce sont les « bons » qui gagnent. Lesquels ? On laissera au spectateur le soin de juger. Après tout, à chacun ses opinions.

Ces trois films sont disponibles, pour un prix plus que modique, sur le site https://artusfilms.com/

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

8 commentaires

  1. Jeune, j’allais au théâtre des gobelins voire les westerns aux pâtes c’était après les purges des hercules,Macistes,et autres péplums italiens du même niveau .il y avait entre autre Franco Néro et d’autres acteurs qui ont marqués cette époque. Je suis pas d’accord quand vous parlez du film de tarantino c’est certes pas le meilleur mais par rapport aux M….s produites en Europe c’est un bon film .

  2. Détestant les westerns américains anciens, je suis restée fascinée/scotchée par les westerns dits  » spaghettis » italiens, monuments et oeuvres d’art revisitant les grands espaces de l’Ouest dans des images superbes, une musique superbe, une finesse psychologique et de sobres et beaux dialogues (sans compter les beaux/belles acteurs) : Sergio Léone avec Claudia Cardinale, Charles Bronson; musique d’Ennio Moriconne..

  3. Pour ceux qui aiment ce genre, il y a eu des westerns « spaghettis » de bonne facture, pour moi un western, bien qu’il retrace la vie de la conquête de l’ouest, se résume souvent dans les films, à une fusillade devant un saloon, rempli de prostituées, de joueurs de poker et d’ivrognes. Pour moi, la vrai conquête de l’ouest, ce sont les petites gens, souvent des éleveurs de bétail, qui avaient à faire face à des conditions climatiques exécrables et aux populations autochtones qui n’étaient pas d’une grande tendresse à leur égard et réciproquement.

  4. Les nouvelles version de western sont largement plus agréables ! Scénarios, mise en scènes et acteurs : Danse avec les Loups, TRUE GREAT, OPEN RANGE, DJANGO et pas mal d’autres, mais dés 1975, les Spaghettis ont impulsés une nouvelle donne, largement moins hypocrite et à l’eau de rose, que les Zamis rikains …

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