Déclin de la recherche : manifestation du déclin de la France

recherche médicale

Sur BFM Business, le 23 avril 2024, l'économiste Jean-Marc Daniel a déclaré que « le nombre de doctorants se maintient en sociologie, en psychologie, en histoire du bien-être », déplorant qu'« en revanche, on assiste à un effondrement en sciences pures, en mathématiques, en mathématiques appliquées et en physique ». Il s'interroge sur « le mode de fonctionnement de notre éducation » et la bonne utilisation des fonds publics.

On n'est pas obligé de partager toutes les prises de position de Jean-Marc Daniel, mais force est de constater qu'il n'a pas tort d'alerter l'opinion sur l'état de délabrement de la recherche française. On ne manque guère de sociologues, qui ont souvent un esprit plus partisan que critique, mais on manque cruellement de chercheurs scientifiques – et aussi, si l'on pense que l'économie et le marché ne sont pas l'alpha et l'oméga de la vie d'un pays, de littéraires, d'historiens, de philosophes, qui font progresser le savoir et enrichissent l'humanité. De plus, les meilleurs d'entre eux sont mieux accueillis à l'étranger que dans leur propre pays, qui ne sait ni leur offrir de débouchés ni employer leurs talents.

Ainsi, de nombreux lauréats de l'agrégation souhaitent effectuer des études doctorales pour approfondir encore leurs connaissances et prétendre, ensuite, à un poste en classes préparatoires aux grandes écoles ou dans l'enseignement supérieur. Les plus chanceux obtiennent des bourses ou des contrats doctoraux rémunérés qui leur permettent de se consacrer à leur thèse tout en assurant quelques heures de cours. Encore faut-il que les recteurs de l'académie où ils sont affectés acceptent de les laisser partir, et en ces temps de vaches maigres où il y a pénurie de personnels, ce n'est pas gagné d'avance.

Il arrive aussi que des chefs d'établissement, se fondant sur une circulaire oubliée de Jean-Pierre Chevènement, quand il était ministre de l'Éducation nationale, acceptent d'aménager les emplois du temps de professeurs doctorants. (Entre parenthèses, pourquoi diable cet homme politique, qui croyait sincèrement en « l'élitisme républicain », est-il allé se fourvoyer avec Macron ?) Mais d'autres reprochent à des professeurs, qui instruisent correctement leurs élèves mais font de la recherche en plus de leurs cours, de ne pas consacrer tout leur temps libre à animer quelque activité périscolaire dans leur collège ou leur lycée. Comme si l'enseignement et la recherche n'étaient pas intimement liés et que l'instruction ne primait pas sur l'animation.

La France manque de chercheurs, elle manquera bientôt d'enseignants-chercheurs dans les universités où l'on prévoit, dans les prochaines années, de nombreux départs à la retraite. Dans l'enseignement secondaire, on recrute à tour de bras des contractuels sans se soucier de leur formation ni de leur qualification ; dans l'enseignement supérieur, on fera bientôt de même. Seules subsisteront quelques grandes universités où de vrais chercheurs, s'ils ne sont pas atteints du virus du wokisme, essaieront de faire prospérer une véritable recherche, porteuse de progrès. C'est ainsi que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, malgré les fanfaronnades de son Président, se poursuit le déclin de la France.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

39 commentaires

  1. Manque de chercheur ! combien d’entre eux qui ont mis des années pour monter un labo au milieu des gauchos qui passent leur temps à s’assembler pour les pourrir, les jalouser quand ils bossent 7 jours sur 7 et qu’ils ne pennent que dix jours de congés par an. Au final quand ils partent en retraite, les matériels qu’ils ont acquit avec l’argent de leurs recherches souvent et non avec celui du contribuable est vendu un euro à un bon copain car personne parmi les nuisibles n’est capable de reprendre le laboratoire.

  2. D’autres intervenants sur cette tribune,auront sûrement rappelé qu’à l’époque,De Gaulle n’avait pas manqué d’ironiser sur le fait que si la France avait des  » chercheurs »,elle souffait en revanche du manque de chercheurs qui trouvent. Mais je suis étonné de lire qu’on manque actuellement de chercheurs ,avec le nombre d’ ingénieurs ,de médecins et autres sommités en tous genres qui se ruent sans relache dans l’Hexagone .

  3. La France manque peut-etre de chercheurs mais les postes sont pourvus. Il manque donc surtout des postes. Il manque aussi de bons doctorants, notamment en sciences. Issus des différentes réformes, beaucoup de diplômés de Master n’ont ni le niveau, ni le bagage pour faire une thèse. Rappelons que la thèse n’est pas un CDD, elle demande un investissement total, une capacité à devenir rapidement autonome et créatif. Nombre de bons étudiants préfèrent aller dans le privé plutôt qu’être payés avec des cailloux, pour une thèse ou à la sortie. L’étranger est également plus attractif. Bref, c’est très grave. On n’a pas besoin de sociologues mais de bons chercheurs et ingénieurs.

  4. La recherche en sciences dures et en technologie est autrement plus rigoureuses qu en sciences molles où le chercheur se contente souvent de publier ses élucubrations oiseuses. (Je suis un ancien universitaire en technologie.)

  5. Le déclin se situe également dans l’esprit d’entreprise. Développer la recherche c’est aussi investir pour dessiner le futur, combien sacrifient ce coût pour maximiser le profit à court terme, combien ouvrent les portes à de jeunes chercheurs , les offres d’emplois dans le secteur de la recherche montrent rapidement le décalage entre le commerce, la finance et la recherche sur le terrain des rémunérations au détriment de la recherche. Ceci explique aussi le départ vers d’autres cieux, de talentueux diplomés qui ne veulent pas sacrifier de nombreuses années d’études et leurs rêves qui deviennent inutiles en France. Favoriser la réindustrialisation et ne plus perdre les Pouzin, Moreno et d’autres, nécessite plus que des mots dans des conférences inaudibles , cela nécessite un acte de foi dans un futur conquérant et la confiance dans la jeunesse pour le construire.

  6. Il est claire Messieurs Dames, que quand un pays comme la France se désindustrialise, il n’investit plus dans la recherche fondamentale ! Hors dans bien des cas, la recherche fondamentale, est la base même de la recherche et du savoir ! Je ne pense pas que le professeur Didier Raoult serra hostile à ce que je vient d’écrire ! Amitiés à lui et à tous Hervé de Néoules !

  7. Même dans le strict domaine scientifique (Physique, Géologie, Sciences de la Nature) il y a un vrai problème d’orientation des recherches, et donc de répartition des crédits (et des Humains). Prenons le cas de la climatologie. Tout est conditionné aux seules études du GIEC qui fait, en réalité, très peu de climatologie ( les experts sollicités pour cette science sont une poignée, à chaque rapport, et ils sont choisis en fonction de leur militantisme politique). Conséquences: les axes de recherches allouées au climat sont maintenant filtrés, et donc concentrés, par les obsessions du GIEC pour le CO2 (qui ne représentent que 20 % environ des Gaz à Effet de Serre). Toutes autres recherches s’intéressant à d’autres causes que le seul Effet de Serre (par exemples : échanges thermiques de la terre avec son environnement cosmique, ou effets thermiques de la tectonique des plaques, ou perturbations liées à la fluctuation de l’axe de rotation de la terre) auront peu de chances d’avoir les crédits adéquates pour produire de la connaissance. L’orientation politique de la recherche est une vraie nuisance, et un obstacle, à la découverte scientifique (on est dans le schéma mental du stalinien Lyssenko: l’idéologie peut façonner la science).

  8. Cette destruction et abêtissement de l’école, de l’université, cet abandon de la recherche, semblerait volontaire. Mais une fois nos meilleurs étudiants, entrepreneurs, créateurs, partis, car le pays devient de moins en moins attractif et sécurisé, que va-t-il rester ?
    Quel est l’intérêt pour un chef d’État de régner sur un tel pays en instance de tiers mondialisation et d’abêtissement de la pensée ? un Président peut-il tirer gloire de diriger une masse informe d’individus moutonniers, consommateurs routiniers, vivant d’allocations, de subsides d’État ou européens ? Est-ce cela l’avenir de l’Europe : un vaste troupeau de bovins broutant une herbe rabougrie ?

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