Assemblée nationale : passe d’armes entre l’équipe de Quotidien et le RN 

© Capture écran LCP
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« J’ai juré de dire la vérité, rien que la vérité. Je ne vais donc pas vous dire que je suis ravi d’être là. » Dès les premières minutes de son audition à l’Assemblée nationale, Yann Barthès donne le ton. Visiblement agacé d’avoir été convoqué par la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences TNT, sur proposition du groupe Rassemblement national (RN), l’animateur de Quotidien, qui avait pour l’occasion troqué son costume de présentateur pour un pull difforme et négligé, dégaine en premier contre les élus du parti à la flamme. La suite des échanges se déroule, pendant 1 heure 30, dans un climat tendu, entre sarcasmes, sourires insolents et invectives à peine voilées.

Absence de pluralisme

« Nous sommes convoqués à la demande de cinq députés du Front National… du Rassemblement national », débute, non sans impertinence, Yann Barthès, avant de se perdre dans ses fiches. Un premier tir contre les élus du RN, immédiatement corrigé par Quentin Bataillon, député Renaissance et président de la commission d’enquête, qui rappelle au présentateur que « si la demande vient du Rassemblement national, la décision a bien été prise par la présidence, c’est-à-dire par moi-même ». Insuffisant pour arrêter l’offensive. Après lui, Laurent Bon, producteur de Quotidien, interpelle à son tour les élus du parti de Jordan Bardella, obligeant une nouvelle fois le député de la majorité à recadrer les débats. « On ne s’adresse pas spécifiquement à un groupe. […] C’est moi qui ai posé les questions, donc j’aimerais bien avoir, à un moment, aussi, les réponses », assène Quentin Bataillon. Mais là encore, le rappel à l’ordre n’a que peu d’effet. Le producteur poursuit et va jusqu’à qualifier d’« ironique » sa convocation. Pourtant, avant les équipes de Quotidien, des journalistes, dont ceux de CNews, des animateurs, comme Cyril Hanouna, et des dirigeants de chaînes ont, eux aussi, été convoqués sans que cela n’offusque les équipes de Quotidien. Même Aurélien Saintoul, rapporteur insoumis de cette commission, que l’on avait connu dans son rôle de procureur stalinien face à Vincent Bolloré ou Cyril Hanouna, se retrouve contraint de rappeler les règles. « Vous êtes devant une commission d’enquête, ce n’est pas le lieu d’un règlement de comptes », répète l’élu.

Rapidement, la question du respect du pluralisme par l’émission de TMC et l’absence d’invitation adressée au RN arrive au cœur des échanges. « Il aurait été inconcevable de ne pas auditionner les acteurs de la seule émission, je dis bien la seule, qui assume exclure une partie du spectre politique de sa programmation », explique, ainsi, en préambule le député RN Thomas Ménagé. L’élu du Loiret poursuit en interrogeant Julien Bellver, chroniqueur de Quotidien, qui avait déclaré, en mars 2023, au micro de Sud Radio : « On ne reçoit pas les personnalités de l’extrême droite […] On est sur une chaîne privée, donc on fait un peu ce qu’on veut. » Un an plus tard, le journaliste assume ses propos et précise seulement : « J’aurais du ajouter "on fait ce qu’on veut tant qu’on respecte les règles". » Pour lui, certes, Quotidien « ne reçoit pas d’élus du RN » - une « décision collective » de la rédaction, assure Laurent Bon - mais « ils sont présents dans toute l’émission ». L’Arcom n’a, en effet, jamais condamné l’émission de TMC pour non-respect du pluralisme. Pour contourner la règles des temps de parole et intégrer le RN dans leur programmation, les équipes de Quotidien, plutôt que d’inviter des élus du parti en plateau, préfèrent sélectionner rigoureusement, puis couper et monter des extraits vidéo dans lesquels apparaît le RN. Un procédé certes légal, mais qui interroge sur la qualité du temps de parole attribué aux membres du parti à la flamme.

« On est antiraciste ! »

Pour se justifier d’un tel boycott, les hommes de Quotidien présents à la commission d’enquête accusent le RN de violenter, insulter ou dénigrer leurs journalistes. Mais face à un Sébastien Chenu précis, aucun d’entre eux ne parvient finalement à fournir une plainte ou une condamnation pour prouver leurs accusations.

Quand les piques contre le RN ne viennent pas des équipes de Quotidien, celles-ci sont lancées par les membres de la NUPES. Sophie Tallié-Polian, particulièrement virulente il y a quelques jours contre Cyril Hanouna, commence par remercier Yann Barthès d’avoir « rappelé les valeurs humanistes et antiracistes » qui l’animent, avant d’ajouter, non sans viser en creux ses adversaires politiques : « Ça devrait aller de soi, mais malheureusement, on sait que dans le paysage audiovisuel, ça ne va pas de soi… Oui, je sais, ça vous embête, messieurs [les députés du RN], mais on est antiraciste ! »

Et au cœur de cette passe d’armes, sans qu’ils n’aient rien demandé, Cyril Hanouna et Vincent Bolloré, cités par l’un et l’autre des membres, se retrouvent eux aussi sous les tirs. « Vous l’aurez compris, une journée sans citer Cyril Hanouna, Vincent Bolloré ou Canal+ n’est pas une bonne journée dans cette commission ! » finit par ironiser Quentin Bataillon.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/03/2024 à 22:52.
Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

71 commentaires

  1. Suite de ci-dessous : c’est drôle, ces gens qui font semblant de buter sur RN en disant FN. Les LR et autres faisaient ça aussi, puis ils ont arrêté ( ça ne marchait pas plus que ça ). Cela aggrave leur mesquinerie, leur inculture, mauvaise foi, duplicité etc

  2. Quelle allure méconnaissable ce présentateur, sans sa permanente ? C’est bien lui sur Canal+ ? Quelle banalité de propos _ c’est son voisin qui termine ses phrases… _ Il n’est pas dans son élément là ( de moqueries, de dénonciations, de calomnies etc _ On se souvient de la dénonciation auprès de la police de personnes qui voulaient prier_ au moment du covid_ à l’Eglise Saint Sulpice ( ils sont restés devant ) et que l’équipe de ce M. a voulu dénoncer auprès d’un officier de police _ même si cela se voulait « drôle » etc , ça dit quelque chose ( des fois que ça marche…). Triste sire. Lamentable !

  3. Effectivement le ton est bien différent de celui des journalistes de Cnews,mais qu’attendre d’autres de ces faux journalistes ?

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