Qu’est-ce que le blocage des agriculteurs à Vannes (56) ? Une gêne incontestable pour cette ville, certes, mais pas seulement : ces hommes et ces femmes du monde paysan nous alertent aussi face à une mondialisation qui déracine tout sur son passage, tels les Huns fondant sur Rome. Surtout, ils manifestent leur désespoir d’être les parents pauvres de notre compassion. En effet, ils meurent abondamment dans le silence de notre indifférence : tous les deux jours, un paysan se suicide ; ça fait 182 morts par an.
Dégrader le mobilier urbain et les infrastructures routières, faire le blocus d’une ville, ce n’est pas acceptable, convenons-en. Mais l’expression du désespoir est toujours violente, surtout quand on lutte pour sa survie. Ces hommes et ces femmes ne veulent plus des subventions accordées par Bruxelles qui, dans le même temps, n’a toujours pas levé les sanctions imposées contre la Russie, suite à la crise ukrainienne, et qui leur coûtent très cher. Au fait, je ne me souviens pas de sanctions à l’encontre du Qatar, ce producteur d’esclaves : voir les conditions de travail abominables sur les chantiers de la Coupe du monde de 2022 dans ce pays « ami » !
Les agriculteurs et les éleveurs demandent des prix justes ainsi qu’une préférence nationale dans la grande distribution, laquelle tire les prix tellement vers le bas que, souvent, ils ne couvrent pas les coûts de production. La traçabilité des produits transformés est une autre de leurs revendications, qui concerne tous les consommateurs, entretenus dans l’ignorance alimentaire.
Seulement voilà : nous ne sommes plus maîtres de nos destinées depuis que l’Europe - entité fantôme, sans âme ni corps - décide à notre place. « Pour renégocier une directive européenne, il faut compter un an, un an et demi », a déclaré notre ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Alors pourquoi une réunion de crise à Bruxelles, ce lundi 15 février, où tout se décide à la vitesse d’une tortue sous Prozac ? Pour certainement tergiverser et tuer le temps entre deux rendez-vous avec des lobbies, comme l’a si pertinemment exposé Philippe de Villiers dans son dernier essai.
En attendant, la rage au ventre, les gens de la terre se révoltent, eux qui ne le font qu’en dernier recours lorsque d’autres « révoltés », gavés d’aides et de faveurs, incendient des voitures à la Saint-Sylvestre juste pour rire et sans provoquer de réaction à l’Élysée !
Et si je compatis avec les Vannetais, aujourd’hui contraints par des barrages, je sais que les vrais responsables de cette situation ne conduisent pas des tracteurs : ils ricanent sous les dorures, convaincus que ce ne sont pas quelques bottes de paille enflammées qui changeront le monde apatride qu’ils ont édifié. Ils devraient toutefois se souvenir que même l’empire de César a fini par tomber !