La France n’était pas prête à une crise sanitaire : nos gouvernants le savaient et n’ont rien fait

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Après la plainte déposée par un collectif de médecins et soignants contre le Premier ministre et Agnès Buzyn pour « mensonge d'État », c'est bientôt Emmanuel Macron qui pourrait être incriminé. Le journal L'Opinion nous apprend que le professeur Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, qui établit tous les soirs le bilan de l'épidémie, avait déjà averti le candidat à la présidence que la France n'était pas prête pour faire face à une catastrophe, notamment à une épidémie. Si cette information est avérée, elle tendrait à confirmer les erreurs commises au plus haut sommet de l'État.

Parmi les Macron Leaks, obtenus par le piratage de la messagerie de plusieurs dirigeants d'En Marche !, on trouve des messages de Jérôme Salomon, alors membre de l'équipe d'experts de Macron (et prétendant au poste de ministre de la Santé, en cas de victoire). Parmi ces messages, une note confidentielle pour alerter le futur Président de l'impréparation de la France devant les « risques majeurs de catastrophe, d’acte terroriste avec tuerie de masse, d’afflux de victimes et/ou d’usage d’armes NRBC [nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques] ». Elle insistait sur la nécessité d’une « anticipation stratégique » et concluait : « Un dysfonctionnement grave aurait des conséquences délétères considérables. »

Un autre message, daté du 11 janvier 2017 et destiné à des proches de Macron, est consacré à « l’épidémie sévère de grippe que la France affronte cet hiver ». Il expliquait que « l’hôpital déjà en crise [était] désormais “en tension” car il ne dispos[ait] d’aucune élasticité pour absorber des variations d’activité ». On ignore si Emmanuel Macron l'a lu personnellement, mais son entourage était forcément au courant. Notons qu'Olivier Véran, qui a remplacé au pied levé Agnès Buzyn, était également impliqué dans la campagne. Ces informations ne peuvent que susciter des doutes sur l'impartialité de personnalités qui sont chargées de faire quotidiennement le point sur le coronavirus. Ne seraient-elles pas tentées de cacher une partie de la vérité pour ne pas nuire au président de la République ?

Ce serait humain et, paradoxalement, une manifestation de loyauté à l'égard de leur suzerain. Le Monde rappelle que Jérôme Salomon n'est pas un novice en politique et qu'il a notamment été conseiller de Marisol Touraine, qui ne serait pas pour rien dans la pénurie de masques. Imaginez son déchirement quand il recommande, fin janvier, « le port du masque pour les personnes malades », « des équipements de protection pour les professionnels du transport et […] du soin », quand il déclare qu'il faut « tester systématiquement » toute personne ayant des symptômes, et qu'il entend la porte-parole du gouvernement affirmer que les masques ne sont utiles que pour les soignants et que les tests n’apportent rien ! S'il faut maintenant avaler des couleuvres servies par son propre camp !

Si notre Président était au courant, depuis longtemps, des insuffisances de notre système de santé et, non content de ne rien faire pour y remédier, a ordonné à Agnès Buzyn de conduire une politique d'austérité, il a fait preuve, pour le moins, d'une coupable légèreté. Jean Messiha, qui a souvent le sens de la formule, déclare qu'« ils savaient mais n'ont rien fait, laissant les Français aller à l’abattoir ». Tout se passe comme si nos gouvernants cherchaient à culpabiliser les Français pour mieux dissimuler leurs propres erreurs. Mais elles reviennent peu à peu à la surface. Si cette série de révélations continue, à la crise sanitaire pourrait s'ajouter un scandale d'État.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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