Les frontières, les masques, les tests… ça ne sert à rien ! Et nos gouvernants, à quoi servent-ils ?

Veran

« Ça ne sert à rien ! » C’est devenu un refrain. Dans tous les médias. Les mots sont les mêmes, le ton aussi : pédagogique et légèrement supérieur. Ils sont les sachants, vous autres les ignorants. Mais s’ils savaient, et que vous ignoriez, pourquoi n’ont-ils rien anticipé et mettent-ils leur terrible retard à l’allumage sur le compte de l’inconséquence des Français ?

Les frontières, ça ne sert à rien, très chère. D’ailleurs, c’est impossible à rétablir. C’est même pour cela que tous les pays ont fini par les fermer - avec une efficacité proportionnelle à la rapidité de la mise en œuvre. Si le confinement à l’échelle d’une maison est efficace, pourquoi celui à l’échelle d’un pays ne le serait-il pas ?

Le test pour tous, ça ne sert à rien, voyons. C’est même pour cela que l’OMS l’a préconisé et que tant de pays l’ont généralisé. Pour ça, aussi, que l’intersyndicale des internes en médecine (INSI) a lancé, ce jeudi, un appel au président de la République pour… « un dépistage massif de la population » ! Pour ça, enfin, sans doute, que tant de personnalités, sur Twitter, nous délivrent obligeamment leur bulletin de santé au beau fixe : Blaise Matuidi, Brune Poirson, Franck Riester, Christian Estrosi, et tutti quanti… ils sont corona-positifs mais « asymptomatiques » ou, comme le tweete Michel Barnier, la mine rose assortie au pull en V, « [ils vont] bien, le moral est bon ». Nous en sommes ravis pour eux, mais comment expliquer qu’ils aient été testés quand, sur les réseaux sociaux, s’empilent les témoignages de ceux dont un parent fiévreux et essoufflé a été renvoyé chez lui sans être fixé - p’têt ben qu’oui, p’têt ben que non, si les symptômes s’aggravent, appelez le 15 ! « Avant, il te fallait une Rolex pour savoir si tu avais réussi ta vie. Aujourd’hui, tu as le pouvoir de bénéficier d’un dépistag », peut-on lire sur Twitter.

Les masques pour ceux qui ne sont pas atteints, ça ne sert à rien, enfin ! C’est Sibeth Ndiaye qui l’affirme : « Les Français ne pourront pas acheter de masque dans les pharmacies car ce n’est pas nécessaire si l’on n’est pas malade. » Mais puisqu'on ne dépiste pas - confer plus haut -, comment savoir si nous sommes atteints, ma chérie ? La poule, l’œuf, et la politique façon Raymond Devos.

Ça ne sert à rien ou… « ces raisins sont trop verts » ? Les leçons de La Fontaine sont éternelles.

C’est d’ailleurs tellement inutile que le professeur Salomon, notre télévangéliste prophylactique du soir, a demandé, mercredi, à tous les particuliers de faire don des fonds de tiroir, même ceux qui traînent dans le placard en tire-bouchon derrière le flacon de Doliprane.

La polémique enfle, le personnel soignant démuni comme le soldat de 14 au front avec son pantalon garance crie son désarroi. Olivier Véran a même été soumis à la question à l’Assemblée nationale. Sa réponse ? Ce n’est pas moi, mais l’autre, irresponsable et pas coupable : « Jusqu’en 2011 et ensuite en 2013 - 2013, pas 2020, c’était un autre mandat ! -, il y a eu un milliard de masques de stock d’État, et puis il a été décidé que ce milliard de stock d’État n’était plus indispensable, tant les capacités de production mondiale étaient intenses, notamment en Asie. La crise sanitaire a frappé d’abord la Chine, premier producteur au monde, qui a donc exploité la totalité de ses stocks et de ses capacités de production. »

Et le monsieur de vanter aussitôt l’effort merveilleux de solidarité de la Chine, qui vient d’envoyer un million de masques à la France… sorte de renvoi d’ascenseur, explique-t-il, pour les 17 tonnes de matériel qu’Agnès Buzyn leur a adressées en février. Sauf qu’un million de masques à 4 grammes chacun, cela fait 4 tonnes… le boulier a dû cafouiller ! Et faire montre de générosité en aval quand on est soi-même sorti d’affaire est infiniment plus malin que de se dépouiller avec légèreté en amont lorsque l’on sait que le tsunami va arriver.

Rien ne sert à rien, en somme. Et ceux qui nous gouvernent à moins que rien.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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