En Bretagne, une cathédrale devient centre de dépistage Covid-19

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Le mercredi 24 mars, jour de marché et d'affluence, la cathédrale de Tréguier, dans les Côtes d'Armor, a été transformée en centre de dépistage du Covid-19. Sollicitée par l'agence régionale de santé, la municipalité a préféré ce lieu prestigieux à la salle des fêtes, jugée trop éloignée, avec l'accord du curé de la paroisse, approuvé par son évêque. Personne n'a dénoncé quelque atteinte à la laïcité mais, le dimanche suivant, comme le rapporte Le Parisien, une cinquantaine de catholiques se sont agenouillés sur le parvis pour réciter « un chapelet de réparation ».

Il faut savoir que la cathédrale Saint-Tugdual, où se trouve le tombeau de saint Yves, est classée monument historique. Y voir cinq box aménagés, avec des panneaux électoraux en guise de paravents, est pour le moins « atypique », selon l'épithète d'un témoin. Simple querelle de clocher ? À vous d'en juger.

Le curé de la paroisse, qu'aucun signe distinctif ne permet de reconnaître, sinon, devant les journalistes, une discrète petite croix de bois, défend l'initiative de la mairie, dénonçant ces brebis égarées qui « refusent la possibilité d'être sauvées » et causent « un scandale ». Il les qualifie charitablement d'« intégristes » et de « zinzins de l'espace ». Son église est « un lieu de salut offert à tout le monde », « c'est notre sens de l'hospitalité », assure-t-il. Et de citer Jésus, qui soignait les malades, ou saint Yves, patron des avocats, qui consacra sa vie aux pauvres.

Il est vrai qu'une cinquantaine de personnes agenouillées pour réciter le chapelet constituent une provocation insupportable. Parmi les « zinzins », un abbé en soutane, qui dépend – horribile dictu - de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, fondée en 1970 par Mgr Lefebvre. Il justifie cette manifestation en ces termes : « Un message de rappel du caractère sacré des églises, qui ne sont pas des hôpitaux. » Un autre contestataire défend ce rassemblement, qui « n'avait pas pour but de faire du grabuge ». Il ne se donne pas le droit de juger ses contempteurs : « Dieu lui-même juge les intentions de chacun. »

On peut observer, d'après les propos rapportés par Le Parisien, que les représentants officiels de l'Église, si ouverts à l'accueil des migrants, tendent à rejeter les catholiques qui, après Vatican II, auraient emprunté un mauvais chemin. Une manifestante n'a-t-elle pas écrit sur le « cahier des intentions », où les fidèles déposent leurs prières à saint Yves : « Ce serait bien mieux de voir la messe en latin dans nos églises plutôt que de les voir servir à des tests médicaux » ? Oh, la vilaine, qui préfère les messes en latin et les prêtres en soutane !

Le philosophe Michel Onfray, peu suspect d'être un intégriste, est pourtant le premier à regretter la perte du sens du sacré dans l'Église. Récemment, sur CNews, il estimait que le pape François, « c'est le politiquement correct incarné ». Il aurait pu ajouter qu'on l'a échappé belle : les féministes n'ont pas encore exigé qu'on remédiât à l'horrible discrimination entre Marie, qu'on continue de vouvoyer de façon désuète, et Dieu le Père, qu'on tutoie comme un copain.

Transformer une église en centre de dépistage occasionnel vaut mieux, sans doute, que de la vendre pour en faire un hôtel de luxe, une boîte de nuit ou une cave à vin. Il reste que cette affaire révèle la persistance des dissensions entre les traditionalistes et les modernistes. Il semble que les seconds, par leurs réactions, ne se montrent guère sous leur plus beau jour, dans cette circonstance. Il est vrai qu'ils sont punis par où ils ont péché, ils croyaient, en se rapprochant du monde, emplir leurs églises : c'est le contraire qui arriva !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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