Emmanuel Macron et McKinsey : les liaisons nombreuses. Et dangereuses…

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Le 24 août, en plein Conseil des ministres, Emmanuel Macron annonce la « fin de l’abondance » et la « fin de l’insouciance ». Manifestement, cette disette annoncée ne concerne que le commun, à en juger par les aveux du ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Revoilà « l’abondance » de rapports commandés au cabinet McKinsey en toute « insouciance » : « Je le reconnais bien volontiers, nous sommes allés trop loin depuis des années, reconnaît Le Maire. C’est ce gouvernement, les gouvernements précédents, des majorités précédentes. On avait sans doute trop l’habitude de dire "l’administration n’est pas capable de faire ce travail, on va externaliser et demander à des cabinets de conseil". » (Le Figaro, 27 novembre)

Il est vrai que les deux enquêtes ouvertes sur l’intervention de ces mêmes « cabinets de conseil », dont l’emblématique McKinsey, dans les campagnes d’Emmanuel Macron millésimes 2017 et 2022 ont de quoi ramener l’homme au pull à col roulé à moins « d’insouciance ».

Dans le même temps, Olivier Véran, ancien ministre de la Santé devenu porte-parole du gouvernement, reconnaît sur les ondes de France Inter, ce 28 septembre, ne pas savoir « ce qu’est une dérive ou un abus » tout en assurant ne pas en avoir « constaté dans son ministère ». Faudrait savoir, Grégoire. S’il ne sait pas ce que c’est, comment aurait-il pu en constater l’absence ? Avec de tels ravis de la crèche, on comprend mieux pourquoi les ministères font parfois appel à ces cabinets privés.

Olivier Véran parvient d’ailleurs à s’enfoncer lui-même davantage, après avoir tenté de couler ses anciens collègues ministres, reconnaissant « avoir passé une cinquantaine de contrats entre février 2020 et mai 2022, notamment pour l’ouverture de méga-centres ou l’organisation de la vaccination pédiatrique ». Tiens donc ! Notre service de santé publique, que paraît-il le monde entier nous envie, n’y suffisait pas ? Et notre administration entretenue à grands frais était donc incapable d’assumer une telle tâche ?

Mais peut-être n’était-ce qu’un simple échange de bons services : à l’Américain McKinsey, la France reconnaissante ? On peine à le croire mais on peut constater a minima un faisceau de liens fourni.

Karim Tadjeddine, l’un des anciens patrons de McKinsey, n’est pas en reste, à en croire Le Monde du 1er avril 2022 : « Emmanuel Macron et Karim Tadjeddine se connaissent depuis 2007. Le premier, jeune inspecteur des finances, est rapporteur adjoint de la commission Attali. Le second mène l’équipe de McKinsey qui assiste la commission. Dix ans plus tard, Tadjeddine est aux premières loges de la campagne présidentielle de Macron. Comme le détaille une enquête de M, le magazine du Monde sur McKinsey publiée en février 2021, une vingtaine de consultants du cabinet offrent leurs services, à titre personnel, contribuant à l’élaboration du programme et à l’animation de la campagne. »

Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, est entendu le 2 décembre 2021 par la commission d’enquête du Sénat à propos de son fils, stagiaire chez McKinsey. À croire le site professionnel Consultor, « ce n’est d’ailleurs pas du tout le premier cas de "fils de" chez McKinsey : Victor Fabius, le fils de l’ancien Premier ministre et actuel membre du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, est associé du bureau parisien de la firme ; les enfants de l’ancien patron de Renault, Carlos Ghosn, y ont travaillé, tout comme Delphine Arnault et Frédéric Arnault, l’un des fils de Bernard Arnault. »

Martin Bohmert, ancien délégué des Jeunes avec Macron, poste qu’il abandonne en juin 2019, après avoir été accusé d’agression sexuelle par une militante, s’est, depuis, recasé chez McKinsey.

Marguerite Cazeneuve, ancienne de McKinsey, chargée par Jean Castex de gérer la crise du Covid et désormais directrice déléguée de la Caisse nationale d’assurance maladie, partage la vie d’Aurélien Rousseau, directeur de cabinet d’Élisabeth Borne.

Comme dirait l’autre, il y aurait comme « abondance » de cousinage. Et probablement aussi beaucoup d’« insouciance ». À la Justice de trancher, désormais.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 02/12/2022 à 10:20.
Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

48 commentaires

  1. Je crains que rien n’y fasse , bien que ! ; Macron a dit qu’il fallait faire confiance en la justice , il prend les devants sachant qui est ministre de la justice , mais la dernière fois qu’il a dit : venez me chercher ! ils sont bien venus , je parle des giliets jaunes , cela a couté une blinde aux français , mais enfin quelle réputation il s’est forgé !!!

  2. Quand on connait le nombre de fonctionnaires qui ont été mis au placard pour avoir osé s’opposer ou seulement dénoncer les dérives de certaines décisions politiques avec la complicité de certains syndicats, il n’y a donc pas lieu de s’étonner de l’arrivée de ces cabinets qui sont de mèche avec le pouvoir.

  3. Je croyais qu’il était interdit de communiquer des secrets défense nationale à des intérêts étrangers. En cherchant bien n’y a t il pas délit d’avoir autorisé l’accès aux données confidentielles sur la santé du pays? Par ailleurs il me semble que le recours à des conseils extérieurs par les cabinets ministériels est réglementé pour éviter le risque de collusion avec des puissances étrangères. Je peux me tromper mais ça reste à vérifier.

  4. Bref !
    1) Les décisions du gouvernement de la France sont désormais influencées par une société privée New-Yorkaise. Demandons-nous, en outre, si cette société aurait pu s’épanouir dans les antichambres gouvernementales sous la présidence de Charles de Gaulle.
    2) Il n’est pas interdit non plus de se demander à quoi peuvent bien servir nos cohortes de diplômés des grandes écoles françaises s’ils ne peuvent analyser et décider par eux-mêmes sans l’assistance de sociétés telles que McKinsey. Il y a un demi-siècle, des consultants de McKinsey et autres auraient peut-être approché MM. Couve de Murville, Missoffe, Mesmer et autres ministre de de Gaulle, mais comme stagiaires : pour y être instruits.
    3) Vu les tarifs de cette société, nous pouvons aussi penser qu’elle se trouve, elle aussi, « heureuse comme Dieu en France » !

  5. Tellement de preuves s’accumulent sur la décomposition de notre pauv’pays depuis tant d’années. Je n’ai qu’une question : Pourquoi les Français l’acceptent en élisant t réélisant des malfaisants depuis tant d’années?

    • Parce que les français ne savent pas, il faut donc que les sachants les instruisent … il y en a d’autres qui savent mais qui sont bien lotis et là je crains que nous ne sachions faire ! alors lesquels seront les plus nombreux ? surtout si on reste derrière notre écran ,

    • Parce que la vérité leur fait peur. ils préfèrent les boniments et les mensonges. E.Z. a dit. Il a été traité de tous les noms. Chaque jour qui passe lui donne raison.

  6. Demandons une enquête à Mac Kinsey sur ces abus. Ils sont aux premières loges, car ils en ont largement profité.

  7. Le voile se lève un peu plus tous les jours pour divulguer aux « gueux » que nous sommes, qui nous dirige vraiment. Nous payons très cher des ministres incompétents que l’on déplace de ministère en ministère. Rares sont ceux que l’on remercie et éjecte pour cause d’ incompétence. C’est la chaise musicale qui remplace le siège éjectable.

  8. Ceci étant, quand on est dirigé par des incompétents, des bras cassés, des amateurs, des pieds nickelés, des jean-foutres, on cherche à se faire aider par des aides extérieures, fussent-elles étrangères, très chères et escrocs.

  9. Je lisais hier une belle définition « quand une entreprise est mal gérée, elle est sanctionnée par une faillite. Quand l’Etat est mal géré, il sanctionne car ce sont les contribuables qui doivent payer » ! Les responsables s’en sortent toujours, Ministres et autres hauts fonctionnaires…

  10. Ne vous en faites pas braves citoyens !!! Comme pour notre ancien président Sarkozy, qui depuis 2012 arpente les tribunaux pour des faits similaires, nous en avons (si je ne me trompe pas) jusqu’en 2037 au bas mot avec cette affaire McKinsey .

  11. Constitution française – Article 68 : Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat.
    Je crains fort que cette question vienne à se poser…

  12. Vous y croyez, vous mon cher Nicolas, à la justice qui va trancher ? ou c’est juste pour faire un bon mot ?Celui qui tient lieu de président étant intouchable, comme les vaches sacrées, pendant encore 4 ans, ces instructions judiciaires viennent trop tôt pour déboucher sur du concret, mais par contre bien à l’heure pour effacer ou perdre les preuves compromettantes.

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