Emmanuel Macron à temps et à contretemps…

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Nous avons un président de la République d'une intelligence extrême mais qui, comme certains intellectuels, a tendance à se méfier d'une réalité qui crève les yeux et l'esprit. Les évidences sont suspectes, même quand elles sont incontestables. Il faut du temps à Emmanuel Macron pour accepter l'idée qu'il a pu commettre des erreurs et, pour parler familièrement, du retard à l'allumage sur des thèmes pourtant essentiels. Le présent l'offusque quand il paraît lui imposer sa loi. Il faut qu'il devienne alourdi d'un peu d'Histoire pour l'inciter à voir juste et à modifier son regard sur les êtres, les choses et le monde.

Quand l'effervescence des gilets jaunes, à la fois enrichissante et préjudiciable, a été terminée, le président de la République les a compris au point de défendre leur cause et d'annoncer sa persistance bien au-delà de son apparente conclusion.

Cette crise lui a permis de découvrir qu'à sa place et pour son gouvernement, les vertus du dialogue, de l'écoute, d'une bienveillance attentive et d'un comportement respectueux des citoyens étaient nécessaires.

L'éviction de Sylvie Goulard, qui aurait eu toutes les qualités pour être un excellent commissaire européen, était cependant inéluctable : il y avait contre elle sa démission comme ministre à la suite d'une mise en examen, et aussi des maladresses qui avaient pu laisser penser que pour la France les jeux étaient faits et le poste acquis. Le président de la République avait choisi d'intervenir au sommet, selon un tempérament trop assuré de sa capacité de conviction, et cette manière de procéder a engendré un fiasco.

Une fois que le désastre est consommé parce que le Président est demeuré sourd aux avertissements, il faut lui reconnaître alors réactivité et capacité d'adaptation. Il va repartir à Bruxelles animé par d'autres intentions. D'abord en s'assignant pour mission de modifier l'image de la France et de s'efforcer de rassembler plutôt que de faire fuir des nations traitées avec trop de condescendance.

Emmanuel Macron a admis que dans la sphère européenne, il avait mal pensé et mal agi et il a adopté la démarche pertinente qui convenait. Il n'a pas besoin qu'on lui fasse la leçon : il se les donne vite à lui-même (Huffington Post).

Le président de la République, il y a quelques semaines, a décidé de consacrer sa réflexion à l'immigration et cette prise de conscience tardive a été un événement. Beaucoup l'attendaient depuis son élection et Xavier Bertrand n'a pas eu tort de dénoncer un retard de deux ans. Certains, dans son propre camp, l'ont jugée inopportune car elle représentait comme un changement de cap. Il avait le front d'aborder par la droite cet enjeu social capital alors qu'il s'était habitué à n'user de ce réalisme que dans le domaine économique et financier et pour le monde du travail.

Récemment, dans un beau discours mais sans aucune effectivité pratique, il a nommé et dénoncé « l'hydre islamiste » et on nous annonce bientôt une intervention forte contre le communautarisme. Certes, mais c'est comme s'il différait l'obligation de trancher entre l'islam politique et radical qui progresse, insensiblement ou ostensiblement, et des musulmans vivant leur foi paisiblement et respectueux de nos lois et de nos valeurs.

Il a pourfendu « la confusion ambiante » et « l'irresponsabilité » de « certains commentateurs politiques ». Mais « il refuse de trancher dans une polémique qui traverse son propre gouvernement » (Le Monde).

Tout cela est un peu court, trop général pour être opératoire, et les banalités même les plus généreuses n'ont aucune incidence sur les réalités menaçantes et la façon de les combattre.

Au-delà des controverses sur le voile et les sorties scolaires, j'espère qu'il ne faudra pas attendre une catastrophe pour que le Président s'empare enfin de ce qui trouble et clive la société française, et appellerait un verbe vigoureux et une action ferme.

Qu'il ne tarde pas trop. Encore un effort, Monsieur le Président !

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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