[CINEMA] Vingt dieux, un film de terroir à ne pas manquer

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Âgé de dix-huit ans seulement, Totone brûle la vie par les deux bouts, dans sa campagne jurassienne. Son quotidien, rythmé par les foires, les courses de voitures, les beuveries, les bagarres et fêtes locales en tous genres connaît cependant un bouleversement majeur lorsque son père fromager, après une soirée arrosée, fait une sortie de route et s’encastre dans un arbre. Désormais seul pour s’occuper de Claire, sa petite sœur de sept ans, Totone n’a plus d’autre choix, pour subvenir aux besoins du foyer, que de trouver un boulot. C’est donc tout naturellement qu’il décide de suivre l’exemple de son père en se faisant embaucher dans la fromagerie locale. Sur place, il apprend qu’un concours est organisé afin de récompenser le meilleur comté de la région ; le gagnant remportera un chèque de trente mille euros. Totone se met alors en tête de produire le sien et d’empocher la somme ; seulement, il a tout à apprendre du métier…

Un film agricole, artisanal et familial

Avec son premier long-métrage, dont le titre reprend l’expression populaire « Vingt dieux », la réalisatrice Louise Courvoisier nous livre incontestablement l’un des plus beaux films de l’année. Un récit de terroir aux accents naturalistes que la jeune femme a toute légitimité à défendre, dans la mesure où elle-même est issue du monde agricole et a grandi dans la région – un parcours assez similaire à celui du cinéaste Hubert Charuel, qui avait réalisé Petit Paysan en 2017.

Aussi, il est amusant de constater qu’à l’instar des fromages dont il est question dans le récit, le film est le produit artisanal d’une petite production familiale : la mère de Louise Courvoisier, Linda, et son frère Charlie signent la musique, tandis que sa sœur Ella et son frère Pablo se chargent des décors. Une telle cohérence entre le fond et la forme est suffisamment rare, au cinéma, pour être soulignée. On salue, également, le choix de la réalisatrice d’avoir opté pour des acteurs locaux, non professionnels, dénichés lors de castings sauvages dans le Jura – le comédien principal, Clément Faveau, travaille dans un élevage de poulets quand sa partenaire de jeu Maïwène Barthelemy est apprentie agricultrice.

Un récit d’apprentissage

À la fois documentaire sur les étapes de production du comté et drame paysan, Vingt dieux est avant tout le récit initiatique d’un jeune homme qui passe de l’insouciance complète, propre à l’adolescence, à la prise de responsabilités, caractéristique du passage à l’âge adulte. Car, en partie fautif du décès de son père qu’il n’a pas su retenir de prendre le volant, Totone doit assumer les conséquences de ses manquements et assurer une vie décente à sa petite sœur. Maladroit, son parcours tout au long du récit se fait cahotant, aussi bien dans le domaine sentimental – qu’il aborde sans la moindre expérience – que professionnel. Trop ambitieux pour lui, son projet de fabrication du comté connaît bien des ratés ; Totone trébuche à maintes reprises, grille des étapes clés, mais s’accroche jusqu’au bout. Le résultat ne sera sans doute pas à la hauteur de ses espoirs, mais pour une fois dans sa vie, il se sera fixé un objectif et s’y sera pleinement consacré. Peut-être, nous dit la conclusion du film, sera-t-il plus chanceux sur le plan sentimental. En somme, un relatif succès pour le personnage et une belle réussite pour Louise Courvoisier, dont nous suivrons désormais de près la carrière de cinéaste.

4 étoiles sur 5

 

 

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Franc comtoise j etais curieuse de voir ce film…comme je m y suis ennuyée.. rien ne tient debout…impossible de situer l époque…? Est ce aujourd’hui ? Le comte ne se fait plus comme ça depuis très longtemps…les services sociaux prendraient en charge la petite..etc..tout est invraisemblable…le jurassien passe pour un doux idiot alcoolique…

  2. Dans le Haut BERRY on employait la formule  » VAINS DIEUX  » dans le sens que les dieux ne nous aidaient pas, surtout quant il s’agissait des conditions climatiques, pluies pendant les fourrages, moissons , cultures … où inversement trop sec …

  3. Très bonne analyse Marcelle. Par ailleurs, eh oui il y a de l’alcool, de la bagarre, des invraisemblances ; mais que d’amour entre Totone et sa petite sœur, que de travail, que d’injustices de la vie, etc. Et les acteurs -qui n’en sont pas de métier -ils sont en études agricoles en ce moment-, jouent formidablement bien. Pour une fois que l’on ne nous « bassine » pas avec la misère des banlieues, les pauvres immigrés qui manquent de tout en France, ce pays pourtant nourricier … on parle de la misère rurale qui est là, des agriculteurs qui crèvent de faim, etc. etc. La finale est inattendue mais pourquoi pas Espérance pour Totone, c’est comme cela que je l’ai ressenti. Courrez voir ce film, on ne peut qu’en sortir bouleversé ; et suivons les prochains film de Louise Courvoisier.

  4. Très cinéphile j’ai été attirée par le sujet mais déçue par la manière dont il est traité.
    Les paysages sont beaux ,le comté appétissant mais il y a trop d’invraisemblances dans le scénario ..les acteurs sur jouent ..bref .je n’adhère pas à l’article .En conclusion c’est encore l’apologie du voyou ..

  5. Curieuse orthographe : J’ai plus souvent vu écrire »Vain Dieu »,expression considérée comme blasphématoire. Où est Dieu dans ce film ?

  6. Télérama, le canard aux navets, se disant que ce film va enrichir le combat des LFistes engagés pour la cause (toujours) paysanne, va certainement le gratifier d’un nombre d’étoiles intergalactique. Malgré ce bon avis prévisible, vous pouvez dépenser quelques €uros les œufs fermiers, vous ne le regretterez pas même si le titre qui ne respecte pas par vingt fois la laïcité n’a toujours pas attiré l’attention de la LDH !

  7. avec un tel nom, ce film aurait dû être tourné dans les Charentes avec l’alcool en sujet principal. C’est mauvais, j’ suis d’accord. Il me semblait que l’expression était “cré vingt dieux“

  8. Je propose d’écrire une version pour bien pensants. Dans ce cas, les héros sont deux clandestins sous OQTF (un Pakistanais et un Soudanais par exemple) qui relancent la fabrication du Comté dans le coin où ils se sont réfugiés.

  9. Amis lecteurs, vous pouvez vous fiez à cet article, j’ai vu le film, et ce qui en est dit ici est pleinement fondé. Peut-être la scène finale peut-elle surprendre le spectateur dans la mesure où … il ne l’attend pas comme la scène finale!

  10. Qu’en disent Télé 7 jours et Libération? Parce que ça, c’est une vrai boussole. S’ils le critiquent, c’est que c’est un bon film. S’ils l’encensent, c’est un navet…

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