Au Niger, la France est le dindon d’une farce géopolitique

800px-Niger,_Arlit_Department,_RTA_village_(4)

À l’approche des festivités de fin d’année, la France remporte le prix géopolitique du « dindon de la farce ». En effet, les médias publics rapportent que les États-Unis renforcent leur relation avec la junte qui a renversé, le 26 juillet dernier, le président du Niger alors en exercice, Mohamed Bazoum.

La chaîne publique Radio France Internationale souligne laconiquement l’apparente contradiction selon laquelle, « malgré leur condamnation du coup d'État perpétré fin juillet, les Américains avaient envoyé une diplomate en poste à Niamey. Kathleen FitzGibbon était arrivée dans le pays mi-août. […] Samedi 2 décembre, elle a franchi une nouvelle étape en remettant les copies figurées de ses lettres de créance aux autorités. Un geste apprécié par la junte. » Faut-il être aveugle, incompétent ou de mauvaise foi, ou les trois, pour s’étonner de l’évolution d’une situation si mal gérée par la France, largement responsable de ses causes et de ses conséquences ?

Le rejet de la France comme catalyseur d’une sourde colère

En septembre 2022, dans cette tribune, alors que le Premier ministre par intérim du Mali, lors d’un discours marquant au siège des Nations unies, avait retoqué pour son ingérence le ministre des Affaires étrangères français, nous avions constaté que le Mali a un atout face à la France : il agit en tant que souverain dans son pays, alors que la France intervient depuis l’étranger comme redresseur de torts. Nous avons également noté que les populations africaines n’aspirent pas à la stabilité quand celle-ci n’est qu’immobilisme social et accaparement, par une minorité protégée, des richesses du pays au détriment de son développement. La paix n’est pas l’absence de guerre, et le fossé entre les « élites » et les populations ne cessait de s’aggraver. Celles-ci attendent de leurs dirigeants qu’ils redistribuent une part décente des ressources nationales et des aides internationales (« après détournements », comme on dirait « après impôts ») et qu’ils leur assurent un coût de la vie supportable, l’accès à des soins médicaux et à une éducation dignes de ce nom, secteurs sinistrés en Afrique quoique perfusés d’argent international.

Le mois suivant, au lendemain d’un putsch au Burkina Faso, nous avions témoigné ici que, vu d’Afrique, on assiste à l’enchaînement inéluctable de « printemps africains » qui se succèdent depuis une décennie dans les pays francophones, soulèvements populaires dont les causes (mauvaise gouvernance, désespérance, ingérences) et leurs conséquences (insécurité, précarité, révoltes) sont évidentes. Aucun pays n’était désormais à l’abri. Et que le rejet de la France n’est pas la cause profonde de ces « événements » mais le catalyseur d’une immense frustration et d’une sourde colère envers des dirigeants défaillants et prédateurs soutenus par elle, ou perçus comme tels. Ce serait, d’ailleurs, exagérer l’importance, décroissante, et l’influence, déclinante, de la France comme puissance politique et économique.

Lâchée par ses alliés africains et bernée par les États-Unis

Dès le lendemain de la prise de pouvoir au Niger par les putschistes, le 26 juillet dernier, nous avions anticipé avec raison que « l’ultime ultimatum » de la France aux putschistes ne serait pas suivi d’effet. Lâchée par ses alliés africains, pourtant premiers intéressés, son bluff sans suite faute de volonté ni de moyens n’a fait que la discréditer un peu plus sur la scène internationale. Le psychodrame affligeant qui a suivi l’entêtement de l’État français, où la diplomatie de long terme a été sacrifiée à une politique étrangère fébrile et contre-productive, s’est achevé avec l’expulsion humiliante, dans des conditions imposées, des troupes françaises, sous protection préventive, depuis Abidjan, du prestigieux 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP). Quarante-cinq ans après la bataille de Kolwezi, la pilule est amère.

Ainsi, la France est le dindon d'une mauvaise farce géopolitique, lâchée par ses alliés africains et bernée par les États-Unis, son pire allié en Afrique. La leçon de Ðiện Biên Phủ a été oubliée. L’œuvre macronienne de déconstruction de la France sur son sol, et de déclassement à l’extérieur par des élites hors-sol, est en marche forcée. Comme ailleurs, le Niger n’est plus qu’un terrain d’affrontement indirect entre trois puissances internationales, les États-Unis dominants, la Chine omniprésente et la Russie, déjà présente et conquérante.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 07/12/2023 à 10:06.

Jean-Michel Lavoizard
Jean-Michel Lavoizard
Ancien officier des forces spéciales. dirige une compagnie d’intelligence stratégique active en Afrique depuis 2006

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Quelle découverte! Nos « élites de gôôôche  » n’ont cessé de réclamer la fin de la France Afrique depuis les années 70, la fin du nucléaire civil et militaire, la fin de l’industrie, la fin du moteur non-électrique, l’implantation des énergies renouvelables, la fin des frontières, une éducation « moderne et progressiste » pour nos enfants, les droits des LGBTQ+…
    Il est temps de faire un bilan. Les présidents « agité », « tremblotant » ou « inverti », ont saboté la France tout en n’exaltant que la République, vendu ses plus beaux atouts, dispersé son indépendance, soumis notre Pays à Bruxelles et l’OTAN. Trahison!
    Qu’attendent les Français ?

  2. Encore et toujours cocus ! Merci Macron et ses ministres ! On n’aurait pas vu ça sous le Grand Charles, que vous le vouliez ou non !

  3. Notre président aura tout réussi : mettre la France en quasi faillite, laisser une immigration incontrôlée miner notre culture, pousser les électeurs vers les extrêmes et faire détester notre pays par une grande partie du continent africain. Difficile de produire un bilan plus navrant.

  4. Enlever les aides internationales et la plupart des pays africains crèveraient de faim et de soif. Beaucoup de ces pays ont des frontières fabriquées par les occidentaux au mépris de la multitude d’ethnies qui peuplent ce continent. Il est donc normal que les populations aussi diverses composant beaucoup de ces états soient la conséquence permanente de guerres civiles larvées et de coups d’état. Cela dit, compte tenu du déversement « du trop plein » de population subsaharienne et nord africaine (démographie galopante) vers l’exutoire qu’est la France, nous devrions nous inquiéter de ce qui arrive dans certains pays africains peut, inexorablement, se produire chez nous.

  5. Vingt années passées à travers l’Afrique pour les soigner et voilà ce que des imbéciles de présidents ont fait. Bravo aussi au sarko de pacotille qui a vidé nos militaires du Sénégal. J’y étais et je sais…..pas très beau la suite.

  6. notre président nul en France, nul à l’international, nul en Europe enfin nul partout, tout ce qu’il touche est détruit , va-t-on le laisser faire jusqu’en 2027 ?

  7. Curieusement la Russie que nous avons joyeusement considérè comme notre ennemie unilatéralement prend lieu et notre place en Afrique. Faut dire qu »avec nos politiciens qui gouvernent et ont gouvernés la France la porte était grande ouverte. La facture est salée et demain le sera encore bien plus, les raisons sont multiples.

    • Il n’y a pas que les russes qui prennent la place, ça c’est pour punir macron d’obéir servilement à nos « amis » américains déjà dans la place depuis au moins quarante ans !

  8. La France n’a plus de diplomatie n’y de grand diplomate n’y même d’homme politique talentueux en bonne soumise nous avons concédait a l’Europe notre souveraineté dont beaucoup de ces membres sont avant tout pro Américain nous connaissons les grandes compétence de cette institution et le double jeux d’un certains nombre de ces membres dans les domaines commerciaux ou industriel comme avec notre suprématie nucléaire et énergétique les sous-marin australien les turbines Alstom et j’en passe il ne fallait pas être grand clerc pour voir que les dés étaient pipés que cette éviction avait la bienveillance de la CIA du pain béni pour nos compétiteurs américains mais aussi probablement européens qui trouveront au Niger de futurs déboucher commerciaux et de quoi approvisionner leurs futurs centrales nucléaires en attendant la France entretien une diaspora Nigérienne pour la plupart solidaires à leur pays d’origine. « Entre tous tes ennemis, le plus dangereux est celui dont tu est l’ami. ~ Alphonse Karr »

  9. Les Etats Unis , notre pire allié en Afrique ? Mais c’est le pire allié de tout le monde et partout .
    C’est quand même bien Henry Kissinger qui disait : « il est dangereux d’être notre adversaire , mais il est fatal d’être notre allié ».
    Il faut être le roi des naïfs pour s’en étonner .

  10. La frange politique des États-Unis qui « renforcent ses relations avec la junte qui a renversé, le 26 juillet dernier, le Président du Niger … » est rigoureusement la même que celle de la C.I.A. qui a efficacement contribué aux festivités françaises de mai 1968.

    Notons au passage que la même C.I.A. était associée pour l’occasion :
    – à la frange OAS de l’armée française qui n’avait alors, et qui n’a toujours rien compris au film dans sa dimension supra algérienne,
    – à la frange de la population française béatement subjuguée par les socialistes de Mitterrand,( lui-même successivement, décoré de la Francisque, ministre anti- Pieds-noirs à partir de 1954, et pro-colons lorsqu’il s’est agi de déglinguer le général de Gaulle),
    – au M.I.5 (ou 6, peu importe) pour raisons européennes,
    – au MOSSAD, car c’est évident,
    – et pour couronner le tout, et en toute simplicité, au parti communiste français qui était alors toujours stalinien !
    Bravo la C.I.A. !
    Nous allons maintenant pouvoir assister à un « remake » du film « Indo-Chine » où les Boys ont supplanté les Froggies avec le succès que l’on sait
    C’est le tandem Sino-Russe, embusqué à l’ombre des baobabs et des palmiers-datiers, qui doit commencer à bien rigoler !

  11. La France est le dindon de l’UE , des états unis , de la Russie , du monde entier je crois bien et pas que le dindon mais la risée de tous , grâce à qui ?

  12. N’oublions pas que La Courneuve est la seconde ville malienne dans le nom de par le nombre de ses citoyens… et que nos « réfugiés » maliens, nigériens et bourkinabés sont des dizaines de milliers en situation irrégulière sur le territoire français …. A quand un couvert français avec des C…. Et les siennes pas celles de celui dans son dos !!!

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois