Rendre hommage à Samuel Paty, martyr de la laïcité, un an après : une possibilité…

Samuel Paty

C’est Jean-Michel Blanquer qui le dit : « Désormais, il faut évidemment la plus extrême fermeté par rapport à un cas comme celui-là. C'est ce qui est en train de se passer. Il y a toujours à réagir avec réactivité et fermeté et en même temps sérénité totale sur un tel sujet ; il est évident que la force doit toujours rester du côté du droit. C'est ce qui est en train de se passer. Le garçon qui a fait ça sera sévèrement sanctionné... »

De quoi parle-t-il ? D’une « incivilité », comme dirait le Président ? Non. De l’agression filmée d’un professeur à coup de porte, dans un lycée de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), le 8 octobre dernier, « évidemment ». Un dénommé Yacine, élève majeur, sans doute agacé par l’obligation scolaire, s’est ouvert le passage vers la liberté par un véhément « Eh le Coran, [...] wallah... », projetant l’enseignante au sol, pour le coup. Voilà !

Comme dit le ministre, « désormais », on sera ferme mais « en même temps » serein, c’est-à-dire sans parti pris. « Évidemment » ! Et il y aura sanction, « évidemment ». Mais, « en même temps », dit-il, gardons-nous contre les dérives de la récupération politique. Au nom de « l’intérêt général ». « Évidemment... » !

Toujours ces mêmes discours convenus de la fuite en avant, pour plâtrer le degré d’impuissance atteint par la structure éducative de l’État, face à une jeunesse des « quartiers populaires » en « décrochage » d’identité laïque imposée, qui vomit la France des « Lumières » située à dix-millions d’années-lumière de son propre univers et crache sur la « bienveillance » magique qu’on continue à nous vendre, depuis les palais républicains, comme étant le sésame du vivre ensemble et du respect.

Que tout cela tombe mal ! Le 6 octobre, Jean-Michel Blanquer s’est adressé aux recteurs d’académie afin de « rappeler toute l’importance de la commémoration de l’assassinat de Samuel Paty dans les écoles et les établissements », ce 15 octobre ; rappelant « la mise à disposition de ressources pédagogiques pour aider les professeurs à organiser une séquence adaptée à leurs élèves ». « Les écoles [...] pourront... », dit le ministre. Bref, pour parler clair, chacun se débrouillera, en catimini. Fera ou ne fera pas. Question d’adaptation en terrain miné...

Et Samuel Paty ? Un homme qui croyait peut-être encore à cette mission perdue de l’École que nous rabâche le ministre : « Former des individus libres, égaux et fraternels. » Un homme d’idéal, courageux, en tout cas comme le dit sa sœur. Un homme sacrifié ? Pour David di Nota, romancier et docteur en science politique, invité de Sonia Mabrouk, lundi, dans Europe Matin, le professeur aurait été rendu responsable d'une offense envers ses élèves : « Il y a une question fondamentale que le rapport officiel de l'inspection générale ne pose pas, c'est pourquoi l’Éducation nationale a choisi d'accuser Samuel Paty de mal maîtriser le concept de laïcité au moment où il faisait l'objet d'une campagne de haine et de menaces physiques par des islamistes », dit-il. Et, selon lui, l’administration l’aurait contraint à présenter des excuses à ceux qui l’accablaient. Gravissime si la pression est avérée.

En septembre dernier, sur Twitter, le Président, désinvolte et souriant, zappait « en même temps » entre hommage à Paty et pari tenu de guignols. Après ce mélange des genres obscène, Jean-Michel Blanquer a beau jeu d’ouvrir, maintenant, des salles Samuel-Paty dans tous les rectorats et de faire apposer au ministère une plaque à son nom. Opération symbolique sans risque et sans effets.

En Tchétchénie, le tueur du professeur martyr de la laïcité avait été fêté en héros. Peut-être l'est-il encore ? Chez nous, l’instruction du dossier criminel se poursuit. Elle durera deux ou trois ans, dit-on. Enseignant sacrifié, piégé, homme de devoir abandonné par les siens et commémoré entre deux portes de rectorat, Samuel Paty est surtout devenu le cadavre gênant de l’Éducation nationale. Qui sera mis en cause pour non-assistance à personne en danger ?

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Pierre Arette
DEA d'histoire à l'Université de Pau, cultivateur dans les Pyrénées atlantiques

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