Ce 28 juillet, à l’occasion de la visite du Président Macron en Afrique de l’Ouest, le président de la Guinée-Bissau, Umaro Mokhtar Sissoco Embaló, également président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a annoncé la création d’une force anti-putsch. « Cette entité va permettre à tout le monde de comprendre que nous sommes au XXIesiècle et qu’il est inadmissible et inacceptable de faire des coups d’État », a-t-il déclaré. Ce projet régional, présenté comme « déjà sur la table », s’il se réalise, sera une première mondiale dans le multivers politique des régimes dits démocratiques.

Saluant cette initiative, le président français a déclaré que « c’est un instrument extrêmement efficace pour lutter contre les déstabilisations qu’on a vues fléchir dans la région où des groupes militaires ont exploité, parfois, l’affaiblissement de l’État pour prendre le pouvoir. Voilà ce qui est attendu de la CEDEAO. » Diantre ! le vibrionnant activiste mondialo-progressiste connaîtrait-il des exemples inconnus de l’ignorant vulgum pecus, de forces anti-putsch qui, de surcroit, auraient démontré leur « extrême efficacité » ? Aurait-il, seul, le présage d’une force annoncée dont on ne connaît pas encore le statut ni les objectifs, les modalités ni les moyens ? « Attendu de la CEDEAO » : s’exprime-t-il à titre personnel, national ou au nom de l’Union européenne, qu’il ne préside plus ?

La France réaffirme son rôle dans la région « au service d’États souverains légitimes. Car nous considérons que notre rôle est d’aider à réussir cette bataille contre le terrorisme et à permettre le développement stable et la formation de la jeunesse dans cette partie du continent africain. » Quel amalgame confus et réducteur entre des termes dont le lien de corrélation n’atteste aucunement celui de leur causalité, mais dont on comprend que le mot clé, sacré, est « stabilité ». Coûte que coûte, pourrait-on ajouter, habitués aux contraintes de vie et aux privations de liberté que le providentialisme d’État nous impose au nom de situations exceptionnelles présentées comme des guerres pour justifier des régimes d’exception qui deviennent la règle.

Ce modèle autoritaire ne peut que plaire à des dirigeants africains en quête permanente de mécanismes d’imposition de leur autorité contestée, bases légales de pouvoirs croissants et absolus face à des sociétés civiles et à des acteurs extérieurs qu’ils ne maîtrisent plus. Car à quelles réalités africaines répond ce besoin d’une nouvelle « force de l’ordre » à l’échelle régionale ?

Le phénomène visé est le putsch (« action de pousser », en allemand), renversement brutal de l’intérieur et confiscation du pouvoir par une junte militaire. L’Histoire africaine moderne est émaillée de putschs sanglants issus d’ambitions rivales, parfois fomentés et soutenus politiquement et matériellement par des puissances étrangères. Or, les renversements récents en Afrique de l’Ouest, au Mali (août 2020), en Guinée Conakry (septembre 2021), au Burkina Faso (janvier 2022) se distinguent par des motivations endogènes liées à la mauvaise gouvernance publique (défaillance, prédation) ; par leur exécution pratique (préparation, dégâts et nombre de victimes limités, responsables épargnés) ; par le soutien massif de populations désespérées (corruption endémique, incompétence systémique) ; par leur projet alternatif (transition politique, relance économique). Ces renversements sont considérés comme la voie ultime de recours pour mettre fin à une situation intolérable, sans issue légale.

Il ne s’agit pas ici d’approuver des insurrections mais d’en expliquer les causes pour en envisager les modes de prévention. Pour que les gouvernements concernés et leurs partenaires étrangers, dont la France, prennent davantage en compte la situation réelle des populations et des forces armées qui en sont issues.

Pour que la force anti-putsch envisagée ne soit pas perçue comme un instrument insupportable de répression, à effet boomerang contre-productif. Car ce qui donne sa force à un régime politique, ce n’est pas tant sa légitimité électorale que la réalisation de son contrat social.

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04 août 2022 à 19:30

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5 commentaires

  1. Quoi de plus simple et quoi de plus tentant pour des militaires qui détiennent la force que de prendre le pouvoir par les armes et gérer le pays aussi mal que leurs prédécesseurs. Ceci en se remplissant les poches et ce faisant assouvir la motivation première d’un coup d’état. Le djihadisme a les mêmes objectifs mais il se masque derrière des élans soi-disant spirituels et vertueux.

  2. Il est vrai qu’un « gouvernant » qui s’appuis sur un « Conseil de Défense Sanitaire » POUR se servir du « secret défense » est bien placé pour « conseiller » des Etats qui ont une culture « gouvernementale démocratique » travaillant pour le bien du peuple qui lui est avide de souveraineté ( prioriser la nation endogène ) ET de démocratie ( mettre fin à une dictature intérieure et soutenue par de « grandes nations extérieures » )
    Il en faut un sacré culot ( pour rester poli ) et aller « blablater » à l’extérieur de son propre pays dans lequel il est plus que « contesté » … Rien n’arrête ce genre de personne qui nie/prétend tout et son contraire et qui « livre totalement » tous les pans entiers de la nation …
    La France est vraiment mal « barrée » … dans tous les sens du terme ! ! ! …

  3. Bien entendu, le président de la CEDEAO compte sur Macron et « sa force de dissuasion » pour éradiquer tout mouvement de putsch !!

    1. il va pouvoir attendre un moment je crois, nous venons de nous faire virer du Mali me semble t il.

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