L'abbaye cistercienne de Prébenoît est située dans le département de la Creuse, « c'est-à-dire nulle part », pour paraphraser Alfred Jarry dans Ubu roi. Elle se situe plus précisément dans le village de Bétête, qui compte moins de 400 habitants au dernier recensement. Si vous aimez le périphérique nord à l'heure des retours de vacances, passez votre chemin. Ce coin de France, plein de charme et de calme, invite à la douceur de vivre et au détachement des tribulations de notre triste monde.

L'abbaye date du XIIe siècle, mais elle est, de fait, largement en décrépitude depuis les guerres de religion. La Révolution, avec ce mélange d'intelligence et de respect qui caractérise les réformateurs, a déclaré Prébenoît bien national mais n'en a rien fait. Et puis, de main en main, elle a atterri dans l'escarcelle de la commune en 1987.

Depuis quelques années, un festival, « Les Saisons vagabondes », est organisé par une association culturelle. C'est certainement un festival passionnant, mais c'est peut-être aussi un de ces « lieux culturels » prétentieux et cheap où l'on essaie de « faire comme à Paris » sans convaincre un autre public que celui des profs à la retraite et des estivants curieux. On ne sait pas.

Bref, le problème est le suivant : la municipalité loue, depuis quelques mois, une partie des locaux à un moine ermite, du nom de frère Guerric. Le moine veut surtout, nous apprend France 3 Régions, méditer et prier (c'est son métier, après tout). Oui, mais voilà : les cultureux du nord de la Creuse voient revenir, dans cette paisible installation, le fantôme de l'infâme Église catholique, assez mal en point pourtant, assez peu militante aussi d'ailleurs. Ils ont donc annulé le festival Saisons vagabondes, faisant une bonne dizaine de déçus, et se sont fendus d'un courrier comminatoire, comme on dit dans le jargon, sur leur page Facebook. Leur président, un certain Bernard Bondieu (ça ne s'invente pas), constate qu'à Bétête, qu'il orthographie « Bébête » avec un art consommé du lapsus, les valeurs de laïcité ne sont plus respectées. Tant que la municipalité n'aura pas clarifié les choses (lesquelles ? On ne sait pas), le festival n'aura pas lieu.

Pourtant, le maire comme le brave ermite sont assez clairs : le maire a donné asile à sa demande à un moine ; le moine veut s'installer dans l'ancienne abbaye pour y prier. Bon. Pas de scandale en vue. Mais ça ne suffit pas au Bondieu de Bébête (pardon, de Bétête), qui semble littéralement pris de crises insupportables à l'idée qu'une abbaye cistercienne puisse être, ne serait-ce que pour partie, occupée par un moine cistercien.

On rirait de cette offensive ringarde de la gauche des campagnes rouges, qui rappelle un peu l'affaire de Lagrasse, si ce n'était pas la énième manifestation du cadavre des boomers dépassés par les événements. Cette haine laïcarde ne signifie plus rien, en 2022. Don Camillo et Peppone sont morts. Ce sont désormais les riches des villes, les islamo-délinquants des banlieues et les pauvres des champs qui se disputent le pays. La France du centre est décidément un charmant vortex spatio-temporel... pour le meilleur et pour le pire.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 05/08/2022 à 20:05.

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04 août 2022 à 20:01

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22 commentaires

  1. Ne tenons aucun compte de ces hurluberlus de la bien-pensance, incultes, haineux, aigris par on ne sait quoi( peut être par leur absence de talent…).
    La France est tjr une terre d’église, j’ai pu constater l’engouement des lieux saints pour nombre d’entre nous. Ils sont visités régulièrement, dans la décence et le respect, par bcp de monde.
    Et bien si il le faut, nous aiderons ce brave cistercien à rester maître de son choix de vie, exigeons qu’on lui foute la paix !

  2. Merci à Arnaud Florac de relever avec la légèreté qu’il faut ce fait assez désolant. Tomber dans la sidération serait donner raison au camp de ceux qui veulent nous « éliminer ».

  3. Encore une histoire débile créée par des bobos venant d’ailleurs !!!!
    Laissez cet homme tranquille ou alors payez lui des vacances ailleurs pendant la durée de vos « bêtises soit disant culturelles »

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