Meurtre d’Alexia Daval : nous sommes tous touchés dans notre histoire personnelle

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Ceux qui aimaient Alexia Daval la pleurent et souhaitent ardemment l'arrestation de son ou de ses assassins.

Mais, d'une certaine manière, elle a aussi sa place dans le cœur de beaucoup d'autres gens, de tous ces Français qui, sans voyeurisme ni curiosité malsaine pour cette fois, ont compris que cette quotidienneté meurtrie, dévastée aurait pu être la leur.

Ces crimes de proximité, de familiarité - ceux dont il n'est pas inconcevable qu'ils puissent demain survenir dans votre environnement, affecter vos proches, détruire des êtres chers - sont doublement éprouvants. Ils commettent l'innommable dans la réalité, sur un mode incomparable et terrifiant, mais symboliquement nous constituent comme des membres de la famille, de cette immense famille humaine qui est éplorée collectivement en même temps qu'elle aspire au châtiment du ou des coupables.

En quelques jours, l'histoire d'Alexia, avec sa fin épouvantable, s'est inscrite dans notre histoire personnelle, dans nos pensées intimes ou sociales. On en parle avec autrui, on compatit, on dénonce, on réclame la répression la plus extrême. Je suis persuadé que certains, dans ces cafés du commerce improvisés, spontanés, regrettent l'abolition de la peine de mort.

Pourtant, nous ne sommes pas sevrés en tragédies, terroristes ou non, nous ne sommes pas privés de lourdes et lancinantes interrogations judiciaires. Mais les huit morts de New York tués par cet Ousbek de 29 ans, l'attente de l'arrêt concernant Abdelkader Merah ne nous laissent pas, me semble-t-il, dans le même état psychologique et humain que celui qu'a créé chez chacun la mort d'Alexia.

Avec elle, on a assassiné notre prochain. Ni la politique ni la sociologie ni la religion n'ont à voir avec cette transgression nue, cette criminalité pure, si j'ose dire. La malfaisance humaine débarrassée de ses oripeaux, de ses éventuelles et scandaleuses justifications.

Notre prochain, sur le plan de la fraternité abstraite, est partout qui a souffert, qui est mort, mais avec Alexia je suis touché comme si, la seconde d'avant, elle avait été vivante là, devant moi.

Elle fait son jogging, elle est heureuse, équilibrée, aimée, son couple est harmonieux, elle va retrouver sa sœur et son petit neveu de deux ans venant passer quelques jours chez leurs parents. Elle est appréciée de tous, elle est sympathique, aucune ombre, aucun nuage.

Mais elle rencontre le Mal. Qui la brûle pour qu'on ne puisse pas l'identifier.

Un remarquable procureur à Vesoul qui fait ce qu'il a à faire, dit ce qu'il a à dire, en pleine concertation avec la gendarmerie et en ayant fait preuve d'une infinie mais normale délicatesse à l'égard de la famille d'Alexia.

On ne sait pas qui elle est puis elle est identifiée : Alexia Daval.

Les forces mobilisées pour l'enquête le seront encore davantage. Toutes les victimes sont respectables, mais celle-ci tout particulièrement. Il y a des tragédies qui, si c'est possible, stimulent encore davantage l'acharnement à débusquer, à appréhender.

Et je suis sûr qu'on va interpeller son ou ses assassins. Ceux qui perpètrent l'inhumain à un moment ou à un autre en paient la rançon.

J'attends ce jour qui provoquera en moi un enthousiasme civique et judiciaire. Celui qui naît de la certitude que ce crime ne sera pas impuni.

Parce qu'avec Alexia, on a aussi assassiné notre prochain.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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