Macron est passé au Salon : chapeau, Monsieur le Président !

Plus le temps passe, plus je comprends pourquoi je n'aurais pas pu être un homme politique. Sauf à créer mon parti.

Nous avons un président de la République qui a décidé de rester de nombreuses heures au Salon de l'agriculture parce qu'il sait les inquiétudes, les angoisses, les problèmes des paysans, des céréaliers et des éleveurs. On lui reproche suffisamment de n'être accordé qu'avec la France des grandes villes pour ne pas applaudir cette démarche, cette volonté de dialogue, de persuasion et d'explication. Il faudrait savoir : on ne peut pas lui reprocher à la fois d'être condescendant, méprisant, éloigné des réalités et le blâmer de ce passage durable au Salon. Il s'éloigne : il est indifférent. Il va au contact : il est trop familier.

On a oublié qu'entre la majesté glacée et la vulgarité, il y a la proximité qui respecte mais prétend aussi être respectée. Et c'est normal.

Entouré par un service d'ordre naturellement conséquent, le président de la République, à plusieurs reprises, a été sifflé, interpellé, vigoureusement questionné. Il a répondu, il a argumenté, en respectant ses interlocuteurs, ses contradicteurs parfois virulents ; il n'a pas cédé. Tout juste s'est-il permis de faire remarquer à un céréalier qui lui demandait de garder son calme que ceux qui sifflaient et l'invectivaient dans son dos l'avaient apparemment perdu.

Il a tenu, il n'a pas craqué, il a inlassablement dialogué autant qu'il l'a pu et jamais il n'est tombé dans la démagogie alors qu'il aurait été si simple de s'abandonner à une confortable complaisance.

Je ne dis pas que ce monde agricole, sincèrement préoccupé, dans tous ses secteurs, par la concurrence européenne et mondiale, son avenir et sa condition, avait tort sur le fond. On n'a jamais tort quand on a légitimement peur.

Mais a-t-on eu une telle pléthore de Présidents courageux dans la mêlée, courtois malgré tout, ne baissant pas pavillon par commodité et pas prêts à tout pour se permettre de récuser un assentiment de quelques heures en faveur d'Emmanuel Macron avec une objectivité républicaine ?

Le partisan ne pourrait-il pas se suspendre quelques secondes en faveur d'une sorte de consensus applaudissant la maîtrise, félicitant la tenue et fier d'une présidence qui n'est pas indigne de notre démocratie ?

J'en ai assez de ces adversaires idéologues qui ne prennent même la peine de remarquer positivement ce que, dans les mêmes circonstances, ils auraient été incapables d'accomplir avec un tel talent et, en définitive, une telle mesure.

Je regrette mais je n'ai pas oublié le "Casse-toi, pauv' con" de Nicolas Sarkozy et les blagues incessantes de François Hollande.

Tout n'est peut-être pas "bon dans le Macron", pour reprendre le titre du spectacle du théâtre des Deux Ânes, mais pour l'instant, nous avons largement de quoi satisfaire, dans la forme - le fond est débattu et c'est bien -, un désir de respect trop longtemps inassouvi.

Plus le temps passe, plus je déteste les intolérances et les partialités de mauvais aloi et de bas étage qui se rajoutent à la vie démocratique.

Le passage du président de la République au Salon aurait pu susciter une étincelle d'orgueil chez tous.

Mais non. On est en France.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois