Loi bioéthique : au temps masqué

« Beau jour pour notre pays ! » a dit Olivier Véran au micro de France Info, le 29 juin, pour parler non pas des ordinations, en la fête des saints apôtres Pierre et Paul, mais du vote qui « crée » de nouveaux droits dont le droit à l’enfant. Pressé, il promettait aux femmes en attente depuis si longtemps « des parcours de PMA » pour la rentrée. Après 500 heures de débat, il fallait promulguer très vite. Sauf qu’on ne peut aller plus vite que la musique. Et la musique est la suivante : vote de la loi, saisine du Conseil constitutionnel, rédaction des décrets d’application, promulgation de la loi, dans les 15 jours, par le Président. Après quoi, la loi entre en vigueur après sa publication au JO. Pour optimiser le temps, il fallait donc aller « à temps masqué », selon le terme couramment employé pour un outil de productivité. Les masques, le ministre connaît. À une question sur la GPA, il opposa le panneau d’interdiction « Ligne rouge » car « il n’y avait aucun lien de causalité » entre la PMA et la GPA. Où avait-on la tête, en effet ? Inutile, également, d’agiter un chiffon rouge. Rouge, c’est rouge, un point c’est tout.

L’émission de Mediapart du 15 juin dernier mettait en face Coralie Dubost et Marie, militante de l’association Arc-en-ciel. Nous ne revenons pas sur le contenu de la loi que tout le monde devrait connaître. Peu importe que Mme Dubost, fidèle à M. Touraine et M. Véran, croie avoir inventé le fil à couper le beurre anthropologique après 2000 ans. Ce qui ressortait du dialogue, c’était la confusion (feinte ?), dans la bouche de Marie, entre don d’organes, don de sang et de sperme, ainsi que les désaccords entre les deux femmes sur beaucoup de points non résolus. Car si l’insémination d’une femme n’est pas difficile avec du sperme, le problème de l’approvisionnement bioéthique se pose, et surtout le problème épineux de la filiation « à la française ».

Ressortait donc toute l’ambiguïté (vice de forme ?) de cette loi qui ne relève pas de la bioéthique mais du droit de la famille. Et là, tout est à faire, de l’aveu même de Coralie Dubost. La preuve était donnée par Marie qui, séparée de sa compagne alors qu’elle était enceinte de sa fille, irait sans doute faire une autre PMA ailleurs. Ça augurait bien ! Rien n’est donc réglé dans notre pays au droit retardataire.

On l’a bien compris : l’essentiel était de promulguer cette loi avant les présidentielles. Que viennent les difficultés : on aura la tête ailleurs. Dans l’Homme pressé (1941), Paul Morand raconte l’histoire d’un homme… pressé qui a vu son temps ralentir quand il a rencontré l’amour d’une femme. Et puis, il redevient l’homme pressé qu’il était, allant jusqu’à demander à sa femme de déclencher l’accouchement deux mois avant le terme. Que ceux qui croient avoir inventé un monde nouveau lisent Faust. Qu’ils cessent de mettre sur le compte des réactionnaires ce qu’ils ne peuvent régler selon la raison : la filiation logique d’un enfant avec père exclu.

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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