Du 20 au 22 décembre, le Président Macron était en tournée en Côte d’Ivoire, suivie d’une brève escale au Niger. Officiellement pour soutenir la stabilité économique, politique et sécuritaire au Sahel. Les rois mages de cette caravane-mirage comprenaient cinq ministres, des parlementaires, le conseil présidentiel pour l’Afrique, des personnalités institutionnelles, des représentants d’entreprises.

Emmanuel Macron n’aurait pas pu faire plus de démarches « emblématiques » (terme de son discours) en seulement 36 heures de présence sur le territoire ivoirien, tant le saupoudrage a été multiple et divers : commémorations ; visites de projets économiques dont certains souffrent de la mauvaise gouvernance locale, ou de celui, à l’avenir et à l’utilité très incertains, d’académie internationale de lutte contre le terrorisme financée par vingt millions d’euros français ; dîner avec les militaires français puis garden-party à la résidence de France préparés par le chef de cuisine de l’Élysée, du voyage, dont les savoureux petits fours et macarons ont été appréciés.

Quatre avions ont été nécessaires pour transporter tout ce beau monde et cette logistique. Ce voyage éclair de fin d’année, brève échappée des sombres réalités hexagonales, plombera un peu plus le budget de l’Élysée dont l’exercice 2018 a été déficitaire de 5,6 millions d’euros, avec une hausse de 13,2 % en frais de déplacements. Les millions de Français en situation économique de plus en plus précaire pourraient bien interpréter le renoncement démagogique d’Emmanuel Macron à ses futurs droits à vie de six mille euros bruts de retraite mensuelle de Président comme une fantaisie arrogante (pour eux) et superflue (pour lui) qui ne fera pas remonter sa cote de popularité ni le niveau des finances publiques, dont le déficit vient de dépasser 100 % du PIB.

On pourrait penser qu’au contact des cultures africaines du verbe, le roi Macron de la parlote serait plus à l’aise et en phase que dans son propre pays. Il n’en est rien, car les idées intello-progressistes des citoyens du monde déracinés dont il s’entoure, enfants gâtés dans les deux sens du terme, suscitent l’incompréhension et le rejet des populations africaines exclues de la croissance. Leur survie physique et économique quotidienne, ainsi que leurs aspirations à la dignité humaine et à la justice sociale, bafouées, sont infiniment plus basiques et essentielles que les idéologies sophistiquées et farfelues à la mode à Paris. On a d’ailleurs regretté l’absence de Sibeth Ndiaye, caution elle aussi « emblématique » de la diversité culturelle, qui aurait pu nous gratifier comme d’habitude de ses opinions personnelles innovantes sur l’Afrique dont elle est originaire – et si éloignée des réalités - où le jeunisme n’est pas garant de raison ni de sagesse.

On retiendra tout de même de cette tournée de com’ tous azimuts l’annonce conjointe solennelle, avec Alassane Ouattara, de la fin programmée, dès 2020, du franc CFA en Afrique de l’Ouest, balayé avec un mépris injuste et ignorant par Macron comme l’un des « oripeaux du passé ». Cet exercice conjoint de communication parfaitement réglé, présenté sous un jour mutuellement aussi avantageux qu’incomplet, suscite de lourdes interrogations et réserves de la part des populations africaines, évidemment non consultées sur leur future nouvelle monnaie et qui ne croient plus depuis longtemps au père Noël. Il n’améliorera pas non plus de lui-même le sentiment antifrançais qui se développe pour cause de collusion avec des dirigeants corrompus.

À peine digérés, les petits fours sucrés à l’addition salée risquent ainsi de se transformer en un vaste four politique amer. Car l’unique problème et frein au développement de l’Afrique n'est plus le manque de ressources, mais la mauvaise gouvernance d’États défaillants et prédateurs, soutenus par leurs interlocuteurs institutionnels d’une communauté internationale qui profite de la pauvreté.

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23 décembre 2019 à 8:38

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