Une bombe, un crime de lèse-majesté, une provocation vexatoire, un infâme soupçon : les médias publics de tout l’Occident se dressent comme un seul homme contre le méchant, très méchant Elon Musk. Particulièrement prisé des médias et des journalistes, le réseau social Twitter, propriété de ce milliardaire américain, indique peu à peu, depuis quelques jours, au-dessous de chaque nom de média s’il appartient à un État.

Ainsi, associé à France Télévisions, Radio France, RFI ou France 24, peut-on lire désormais cette mention : « Publicly-funded media », soit « média financé par des fonds publics ». À l’heure où nous rédigeons cet article, ni les chaînes de Radio France (France Inter, France Culture, France Info…), ni celles de France Télévisions (France 2, France 3, France 5…), ni les chaînes parlementaires LCP AN et Public Sénat ne sont encore siglées de la sorte. Cela ne saurait tarder. Aux États-Unis, les deux petites chaînes publiques sont désormais signalées de la même façon, comme les chaînes publiques suédoises, comme les chaînes BBC World, BBC News ou la BBC. Elon Musk a éclairé sa démarche et n’a laissé aucun doute. Il considère la BBC, la vieille Auntie anglaise, comme un des médias « les moins biaisés » - ce n’est donc pas, pour lui, une attaque en règle contre les médias publics - mais il souhaite « la transparence et l’exactitude la plus totale ». Elle est financée essentiellement pas l'État, point.

En France, le jacobinisme étant ce qu’il est et la gauche ayant depuis longtemps laissé croire que le seul vrai journalisme se pratiquait exclusivement sur le service public, le coup est doublement rude. Dès le 12 avril, le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications est monté au cocotier. « Le dénigrement par Twitter des médias publics et du travail des journalistes n’est pas acceptable », bondissait Jean-Noël Barrot.

Dénigrer ? La définition du dictionnaire Robert en ligne est formelle, dénigrer, c’est « s'efforcer de faire mépriser (quelqu’un ou quelque chose) en disant du mal, en niant les qualités ». Ainsi, BV est clairement dénigré dans certaines encyclopédies en ligne. Mais en quoi indiquer l’origine des revenus de Radio France ou de France Télévisions tient-il du dénigrement ? C’est un fait, une vérité incontestable et nullement secrète : les médias publics en France recevront de l’État français, et donc des contribuables, la modique somme de 3,8 milliards d’euros au total en 2023, un chiffre en hausse de 3,1 % sur un an. Sur cette somme, 2,4 milliards sont dévolus à France Télévisions, 589 millions à Radio France et 279 millions à Arte, sans parler de France Média Monde (260 millions), l’INA (94 millions) et TV5 Monde (78 millions). À titre de comparaison, le budget consacré au patrimoine par le même ministère de la Culture dépasse à peine le milliard d’euros la même année 2023, soit près de quatre fois moins… Question de priorité. « Twitter s'expose à des amendes allant jusqu'à 300 millions d’euros s'il ne respecte pas les nouvelles règles européennes », précise encore le ministre. Ce qui n’a rien à voir…

Le réflexe de la vache sacrée

On n’est pas naïfs. Les médias publics français n’ont pas tellement envie d’être assimilés aux médias d’État financés par le Kremlin, la Chine populaire ou la Corée du Nord. Le lien au pouvoir de nos télévisions et radios publiques n’est évidemment pas le même : nos antennes publiques ne sont pas neutres, loin s'en faut, mais elles sont libres vis-à-vis du pouvoir. Engagées à gauche, ce qui devrait être un souci, mais personne au gouvernement ne leur demande des articles, comme c’était encore le cas sous de Gaulle. Alors, de quoi ont-elles peur ? Transférons l'affaire du côté des médias privés. TMC, la chaîne de Yann Barthès, n’a pas la même ligne ni le même contenu que CNews : toutes deux sont pourtant financées par la publicité. Qui le conteste ? Est-ce infamant de constater qu’une partie de nos médias est financée par la publicité, une autre par l'État ?

Nos chers, très chers, médias publics devraient se méfier du réflexe de la vache sacrée. Seule, à ce jour, la radio américaine NTR a décidé de quitter Twitter. Les médias publics, solidement appuyés sur les impôts et devenus intouchables, ont intérêt à y réfléchir à deux fois avant de claquer la porte. Qui a le plus à perdre si les médias d’État quittent Twitter ? Quels internautes feront le détour pour les trouver ailleurs ? Combien de Français descendront dans la rue pour protester ? Et combien se rabattront, au contraire, sur les chaînes concurrentes privées ?

Elon Musk a le mérite d’éclairer le jeu. Et de secouer le confortable fromage de l'audiovisuel public.

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18 avril 2023 à 20:25

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33 commentaires

  1. Afficher ‘financé par’ me parait juste, à moi de juger l’importance de cette référence.
    J’aurais aimé que RT soit signalé ainsi et pas censuré.
    Mais on va entrer dans une zone grise pour la presse écrite. Financé par qui? Le propriétaire ou ses acheteurs.

  2. Près de 4 Milliards d’euros pour acheter les médias, le déficit des caisses de retraite serait aux alentours de 12 M. Pourquoi personne ne descend dans la rue pour demander la récupération du 1/3 du déficit. Ce pays est foutu.

  3. « nos antennes publiques ne sont pas neutres, loin s’en faut, mais elles sont libres vis-à-vis du pouvoir ». …vous oubliez le diner à l’élysée où macron a convié, à nos frais, 10 journalistes du service public, à votre avis, pour quelle raison ?

    1. Si Macron devait inviter à sa table tous ceux qu’il « arrose » Versailles ne serait pas assez grand!

  4. Ce qui fait le scandale, car s’en est un, est d’avoir autant de chaînes publiques ! Et donc une multiplications des infos identiques et des subventions.

  5. Lire Lectures Françaises de mars 2023 concernant Monsieur Elon Musk  » transhumaniste, les preuves sont flagrantes que Musk déroule le même agenda techno-communiste que le forum économique mondial ». Je doute que ce soit un très gentil Monsieur car souvent les articles de cette excellente revue dénoncent avant lheure ce qui va advenir.

  6. Le problème n’est pas tant que les médias publics soient subventionnées que leur manque total d’objectivité. On a beaucoup brocardé la télé du Général…On a simplement remplacé une censure de droite par une censure de gauche. Là où ça ne va plus, c’est quand ces médias et leurs journalistes trient et manipulent les informations pour les rendre conformes à leurs visions de la société.

  7. Bravo à Elon Musk. Il va bientôt être considéré comme d’extrême droite. Il devra le considérer comme une médaille d’intégrité

  8. Il est clair que pour entrer dans un de ces médias ou l’argenT coule et dégouline, un méchant penchant à gauche est requis. Le choix des sujets traités ressemble tellement à la reconnaissance du ventre que on sent la gauche au pouvoir en sous main

  9. Le pouvoir français et l’Europe ont pour habitude de dénigrer certains réseaux sociaux et parfois d’exiger d’eux l’application de certaines règles. En quelque sorte, Elon Musk renvoie ce petit monde dans ses filets, en finesse.

  10. C’est important de savoir qui s’exprime. Cela contribue à la pluralité de l’information. C’est sans doute ce qui gêne.

  11. C’est qui l’état ? Hé, c’est qui, ce serait il pas nous tous par le plus grand des hasard ? Qui gouverne l’état ne serai il pas le chef de ce même non,et ne serait il pas le gérant de ce qu’il fait des bien de l’état ? Ne serions nous pas dans un état qui se vante d’être démocratique, donc une gestion en volonté de la population de l’état qui les fait vivre donc, le financement des médiats payés par la population doivent être par définition impartial et entre autre inviter tous les journalistes et personnes politiques qu’ils soient de gauche où de droite, c’est très loin d’être le cas. Autour de 70% de la être population sont contre une loi, le conseil constitutionnel qui approuve à une loi en conformité constitutionnellement, ce qui est logique mais ne tiens pas compte de la majorité d’une population, c’est donc pas démocratique. Nous ne sommes pas gouverné démocratiquement.

  12. Comme la Presse stipendiée qui reproduit avec nos impôts La Voix de son Maître, la Télévision d’État, largement majoritaire, vit des fonds publics c’est-à-dire du fond de nos poches . Sans ces fonds elle n’existerait pas. C’est dire combien de désinformation nous devons à nos propres revenus détournés par l’Élysée à son profit.

  13. Ça aura au moins le mérite d’éclairer les naïfs qui se laissent manipuler par la propagande d’état.

    1. Rien n’est certain, il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, ça été confirmé dans un passé récent, souvenez-vous !

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