Élections européennes de 2019 : vers un débat sans faux-semblants

Après Emmanuel Macron la semaine dernière, c’est Édouard Philippe qui a reçu, mercredi 29 novembre, les responsables des principales formations politiques au sujet du mode de scrutin pour les prochaines élections au Parlement européen de 2019. Une consultation qui précède un projet de loi qui devrait être présenté en début d’année prochaine. Tout le monde est d’accord, sauf Les Républicains, pour revenir à des listes nationales.

Les Républicains, si bien représentés par Bernard Accoyer, secrétaire général, parfait dans son rôle de syndic de faillite, hurlent à la mort et évoquent un "tripatouillage regrettable". C’est vrai qu’en la matière, ils y connaissent un rayon. C’est d’ailleurs en 2004 que Jean-Pierre Raffarin, dont on ne dira jamais assez tout ce que la démocratie française ne lui doit pas, fit voter une loi qui permit de passer du scrutin proportionnel national au scrutin proportionnel par grandes régions - huit en l’occurrence. L’argument cousu de fil blanc à l’époque était de lutter contre la désaffection des Français pour cette élection européenne en rapprochant les citoyens de leurs élus et en assurant une meilleure représentation de la diversité géographique du pays. Ce sont les mêmes arguments "capillotractés" qu’utilise aujourd’hui M. Accoyer, qui n’a pas changé de disque depuis 2004.

En fait, à l’époque, on sortait de l’élection présidentielle de 2002 où Jean-Marie Le Pen était arrivé au second tour. Passer d’une circonscription nationale à huit circonscriptions régionales permettait d’atténuer les résultats prévisibles du Front national, car plus on multiplie les circonscriptions, plus on atténue les effets de la proportionnelle. Pour faire simple : c’est le vieux principe de diviser pour mieux régner. Évidemment, l’argument de la proximité avec les territoires est une vaste plaisanterie à laquelle les responsables LR ne croient sans doute pas eux-mêmes. Quel rapport, en effet, entre l’Indre-et-Loire et la Haute-Loire, entre la Moselle et la Saône-et-Loire, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et La Réunion… Une circonscription d’outre-mer, du reste, qui n’en est pas une puisque partagée en trois sections - Atlantique, océan Indien, Pacifique – qui élisent chacune un député. Cela n’empêche pas Brice Hortefeux, député européen, d’évoquer, sans rire, le risque d’avoir des listes "totalement déconnectées des réalités locales". Quel est le citoyen moyennement politisé capable, aujourd’hui, de citer le ou les députés européens censés représenter sa sensibilité politique à Strasbourg ? Franchement ! Sait-on à Romorantin ou à Loches que M. Hortefeux est l’un des deux députés européens LR de cette vaste huitième circonscription Massif central-Centre ? J’ai comme un doute…

À l’évidence, on n’a pas réussi à intéresser les Français à cette élection européenne en la « régionalisant ». En 2004, la participation fut de 42,76 %, contre 46,76 % en 1999. Et en 2014, 42,43 %. Pas de quoi pavoiser avec la bannière étoilée, même en invoquant la Vierge !

Pas certain que le retour à un scrutin national ramènera en masse les électeurs aux urnes (60,71 % en 1979, lors de la première élection, fut le record), mais cela aura au moins le mérite de placer les enjeux au bon niveau, d’avoir un vrai débat sur l’Europe en France. Aujourd’hui l’on nous présente la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle comme celle de l’Europe. C’est un peu court et c’est oublier que les eurosceptiques de tous bords, de gauche comme de droite, avoisinèrent les 50 % au premier tour. Cette élection de 2019 devrait être l’occasion, aussi, de sortir des ambiguïtés dont on ne sort, il est vrai, souvent qu’à son détriment. C’est sans doute ce que redoutent Les Républicains, formation politique où il y a presque autant de sensibilités sur l’Europe que de fromages en France.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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