Le 20 février à Kiev, le lendemain à Varsovie pour prononcer un discours le même jour que Vladimir Poutine, Joe Biden et ses équipes ont parfaitement maîtrisé le timing d’une semaine à gros enjeux. Pas question de laisser le président russe occuper seul le devant de la scène médiatique à quelques jours de la date anniversaire de l’entrée de ses troupes en Ukraine.

Dans les médias occidentaux, le discours annuel de Vladimir Poutine à la nation, prononcé mardi à la mi-journée, a été vite éclipsé par les images du président américain aux côtés du président polonais et par ses déclarations qui s’étalaient en premières pages comme autant de slogans mobilisateurs : « L’OTAN est plus forte que jamais », affirmait Joe Biden qui, la veille, à Kiev, avait annoncé que « la guerre de conquête » de Moscou était « en train d’échouer ».

La presse occidentale s’est immédiatement extasiée devant ce président venu témoigner la solidarité des États-Unis vis-à-vis de l’Ukraine et des pays européens. Témoigner sa solidarité mais surtout affirmer son leadership. Le chef de l’État polonais, Andrzej Duda, ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour entonner un dithyrambe en l’honneur de Joe Biden grâce à qui « on voit que l’Amérique est capable de veiller à l’ordre mondial ». Un parfait résumé du message que cherche à faire passer l’administration américaine.

En fin de journée, la visite de Joe Biden a trouvé son apogée devant le château royal de Varsovie qui s’est transformé, pour l’occasion, en théâtre d’un duel rhétorique à distance entre le président russe et le président américain.

Joe Biden a retrouvé les accents messianiques et les envolées morales dont la politique étrangère américaine aime à se parer. Il est le leader du monde libre qui a su dire non aux « autocrates » et qui est parvenu à réunir « une coalition mondiale de plus de 50 nations pour fournir des armes et des fournitures essentielles aux braves combattants ukrainiens ». Poutine a « rencontré la volonté de fer de l'Amérique » et celle des hommes libres qui « refusent de vivre dans un monde de désespoir et de ténèbres ». Il faut donc choisir « entre la démocratie qui élève l'esprit humain et la main brutale du dictateur qui l'écrase ». Le président russe a « fait le choix de cette guerre ». Son armée a commis des « crimes contre l’humanité », utilisé « le viol comme arme de guerre » et même « volé des enfants ukrainiens ». En conclusion, Joe Biden en a appelé à la bénédiction divine et demandé à son auditoire de continuer à avancer « avec foi et conviction et avec un engagement constant à être des alliés non pas des ténèbres mais de la lumière ».

Un discours enflammé sur le combat du bien contre le mal qui contraste avec celui prononcé par Vladimir Poutine quelques heures auparavant et qui a débuté par un déroulé froid et détaillé des griefs de Moscou à l’égard des « élites occidentales ».

De l’élargissement de l’OTAN au « coup d’État de 2014 » en Ukraine en passant par la « destruction de la Yougoslavie, de l'Irak, de la Libye et de la Syrie », la liste des reproches est longue.

D’après le président russe, les élites occidentales portent la responsabilité de cette guerre : les États-Unis ont refusé, en décembre 2021, ses propositions d’accords sur des garanties de sécurité et, à ce moment-là, il ne faisait pas de doute que Kiev allait lancer une opération militaire « punitive » dans le Donbass. La Russie est donc intervenue pour parer à cette menace et au risque de voir s’étendre cette offensive à la Crimée. Pour Vladimir Poutine, l’Occident utilise l’Ukraine « comme un bélier contre la Russie ».

D’autres considérations ont suivi sur l’économie, l’échec des sanctions, l’industrie d’armement ou encore les familles de combattants, mais c’est surtout l’annonce de la suspension de la participation de la Russie à l'accord New Start sur le désarmement nucléaire qui a retenu l’attention de la presse occidentale qui en a fait ses gros titres : « Poutine brandit la menace nucléaire » ou encore « Poutine menace de relancer la course aux armes nucléaires ». L’occasion était trop belle.

« Ils veulent nous infliger une défaite stratégique, s'en prennent à nos sites nucléaires, c'est pourquoi je suis dans l'obligation d'annoncer que la Russie suspend sa participation au traité [New] Start », a, en effet, annoncé le président russe pour qui il paraissait surréaliste, dans le contexte actuel, d’imaginer des membres de l’OTAN venir inspecter les installations de défense russe.

Qu’il s’agisse de Biden ou de Poutine, il ne fallait donc pas s’attendre à de grandes déclarations sur le cours de la guerre. On notera quand même l’écart entre un président américain en appelant aux forces célestes et un président russe décrivant sa méthode plus prosaïque : « Étape par étape, prudemment et logiquement, nous traiterons les tâches que nous avons à accomplir. »

Au bout du compte, deux personnalités politiques et deux mondes de part et d’autre de l’Ukraine qui s’entrechoquent à distance. Cependant, quel que soit le récit auquel nous adhérons - monde multipolaire contre monde unipolaire ou lutte des démocraties contre les autocraties -, un constat cruel s’impose : c’est à Moscou et à Washington que se décide l’avenir de l’Europe.

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22 février 2023 à 20:45

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44 commentaires

  1. Les Etats Unis ont déjà gagné : l’argent avec le GNL et l’Europe coupée durablement en deux. Les Russes pourraient gagner s’ils mettent toute leur force dans la bataille. Les Européens ont perdu la Russie, panslave pour longtemps et donc tournée vers l’est et beaucoup d’argent. La France disparait et l’Allemagne risque d’en faire autant. Elle le mérite droguée au gaz Russe et hystérique contre le nucléaire. Prochaine partie : l’Asie.

  2. Joé Biden peut bien parler des crimes contre l’humanité. Il a déjà oublié ceux des américains un peu partout dans le monde ou ils ont fait éclater des guerres. Et les européens suivent comme des teckels bien dociles.

  3. Le retour du concept du « combat de haute intensité » est une aubaine inespérée pour justifier la hausse du budget de la défense militaire en raison d’une menace de la Russie. Mais la genèse sans préjugés de de cette guerre civile européenne révèle que ce danger a été mis en scène par un jeu trouble de l’OTAN étatunien.
    Le centre de gravité du monde s’est déplacé en Asie-Pacifique où la France, seule en Europe, possède de nombreux Territoires baignés par le deuxième espace maritime du monde.
    Le temps de la glorieuse ‘ligne bleue des Vosges » est heureusement révolu. Tournons notre regard stratégique vers le « Grand Large ».
    Et cessons d’accréditer la récurrente accusation de « toujours préparer la dernière guerre ».

  4. Votre évocation des forces du ciel, Monsieur Lassez, pourrait donner l’impression que la politique états-unienne en Europe relèverait d’une forme de romantisme, tandis que la politique russe s’en tiendrait au pragmatisme le plus froid. Nombreux sont toutefois les observateurs (cf. « Opération Z » de J. Baud par exemple, mais on pourrait citer plusieurs anciens responsables politiques français) qui prétendent que les Etats-Unis ont méthodiquement « poussé à la faute » M. Poutine en étendant l’OTAN à plusieurs anciennes républiques populaires « sous les moustaches » de la Russie, et en se gardant de toute protestation contre les violations des accords de Minsk 2 par l’Ukraine. Même le pape François a retenu cette explication en parlant des aboiements occidentaux à la porte du Kremlin.. Ces observateurs font référence à des opinions qui aux Etats-Unis, préconisent l’anéantissement de la puissance russe depuis 1991. Cette guerre qui ne fait pas une seule victime états-unienne permet en effet de relancer l’OTAN, bras armé de la volonté hégémonique des USA, de faire prospérer en Europe les industries militaires états-uniennes au préjudice des entreprises européennes et de substituer le gaz de schistes US au gaz russe. Elle anéantit en outre toute velléité (notamment française) de créer une Europe de la défense. J’adhère totalement à votre conclusion : la politique internationale de l’Europe se décide à Washington. Le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe.

  5. Depuis quelques temps (années) j’ai abandonné le Bourbon whisky qui a un gout amer au profit de la Vodka qui me réconforte, m’enivre avec joie…Désolé, parce que si une « diseuse de bonne aventure » ! m’avait prédit cela je ne l’aurai pas cru, étant un admirateur de Davy Croquette…Mais il est certain qu’entre leur Wokisme, la Déconstruction de la France, avec leurs infiltrations au plus haut U.E. pour sauver (!) la Planète Dollar et sans garantie de mieux, je préfère manger avec les baguettes même si c’est difficile…

  6. Je n’ai pas souvenance que lors de la guerre d’Irak menée par les USA sans l’aval des Nations Unies avec un faux prétexte soit vraiment de nature à idolatrer un pays qui veut dominer le monde et non pas servir au monde ! Mais les Français et les Européens ont une mémoire emprunte d’idéologie… L’Amérique veut contrôler l’Europe et c’est ce qu’ils font et qu’importe le reste. Pour les Français, la gauche bien sûr, c’est comme pour le film Vaincre ou Mourir, il faut oublier ce génocide perpétré par « la Révolution » tellement formidable ! Alors la mémore, il faut s’en méfier.

  7. « Le gendarme du monde » représenté par cet homme qui serait mieux chez lui à profiter de sa retraite. ce vieux fantôche corrompu fait pitié devant un Poutine qui ne pense qu’à son pays, aux siens et qui a été contraint à la situation actuelle par l’avidité commerciale américaine.
    La Russie gagnera cette guerre et l’Europe continuera sa soumission aux faucons avides américains pour notre malheur et celui de nos enfants.

  8. La photo d’illustration est symptomatique effectivement de cette « guerre des mondes » … Le « monde » de biden n’a absolument rien à envier à celui que représente poutine ! …
    Le village Potemkine ou le soit disant Eldorado ne sont que chimères et autres « enfumages » …
    Cela se fait à coup de Kalachnikov ou attentats pour faire disparaître la réalité des peuples à travers la planète entière …
    Il suffit de se renseigner sur le « parcours politique » de ces deux personnages totalement nocifs pour toute la planète …

  9. Les Americains sont dans la position d’un pion, dans une cour d’école, qui voit deux élèves, un grand et un petit, se battre, et qui, au lieu de le séparer, prête son couteau au petit et engage les autres élèves à l’exciter… Il pense ainsi pouvoir se debarasser du grand qui souvent lui tient tête… tant pis si le petit est méchamment blessé et si les autres prennent des mauvais coups…

  10. Bien entendu c’était à prévoir, comment voulez vous discuter avec les deux idiots inutiles Macron et scholtz
    les deux font la paire pour détruire leurs pays et l’Europe.

  11. D’un côté un triste sénile, de l’autre un dangereux psychopathe, il n’y a pas à dire, notre monde se porte mal, très mal…

  12. Et il serait bien plus bénéfique pour la France que la victoire soit celle de Monsieur Poutine. Le fonctionnement de la société Américaine n’est pas du tout enviable et ne doit pas devenir un objectif.

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