[Cinéma] Je verrai toujours vos visages : la justice restaurative

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Jeanne Herry continue de creuser son sillon. La réalisatrice nous avait épatés, en 2018, avec Pupille, film magnifique sur le fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance qui postulait, dans le cadre de l’adoption, la primauté du bien-être du bébé sur le « désir d’enfant » des adultes. Un propos qui allait à l’encontre du discours médiatique de l’époque et faisait preuve d’un réel courage de la part de la cinéaste.

Dans un esprit similaire, Je verrai toujours vos visages, sorti le 29 mars, nous propose une immersion dans un autre dispositif social, la justice restaurative, qui permet depuis 2014 à des victimes d’agression, de vol, de cambriolage ou de viol de dialoguer avec des individus condamnés pour ce type de faits. Un dispositif à visée thérapeutique pour les victimes et, pour cela, encadré de A à Z par des professionnels ou des bénévoles.

Le récit suit deux trames en parallèle : d’un côté, le parcours de Chloé, qui prépare sur de longs mois sa confrontation avec son demi-frère, lequel abusait d’elle sexuellement lorsqu’elle était enfant ; de l’autre, un petit groupe de personnes victimes de toutes sortes d’agressions (vol à l’arraché avec violences, braquage à main armée, home-jacking) qui se rendent régulièrement en prison pour discuter avec des criminels et chercher à comprendre ce qui leur est arrivé.

Si Chloé veut s’assurer de ne plus jamais recroiser son frère dans la rue, Nawelle et Grégoire cherchent à exorciser leur traumatisme en faisant prendre conscience à des auteurs d’infraction de leur souffrance au quotidien. Quant à Sabine, septuagénaire rouée de coups par une racaille et hospitalisée deux mois durant, elle ne comprend pas la violence de son époque et n’ose plus désormais sortir de son appartement ; elle espère à terme retrouver le courage de vivre comme autrefois.

Lucide, la réalisatrice expose sans fard les limites du dispositif et la difficulté, pour ceux qui l’encadrent, de satisfaire tout le monde. Car ces entrevues poignantes entre victimes et agresseurs donnent lieu, évidemment, à diverses réactions : incompréhension, colère et frustration chez les premières ; mensonges à soi, justifications, complaisance, manque de sérieux chez les seconds, mais néanmoins l’empathie, voire parfois le repentir… Nombre de questions ne trouvent pas de réponse satisfaisante, mais certains propos ont cependant le pouvoir de soulager les victimes, de dissiper chez elles la crainte d’avoir un jour à recroiser leur agresseur.

Bâti essentiellement autour de ses personnages et de la richesse de leurs interactions, le film de Jeanne Herry dispose d’une mise en scène proche du documentaire : épurée, discrète, qui ne verse jamais dans l’image choc et se met intégralement au service de son sujet.

La cinéaste offre à sa mère Miou-Miou l’un de ses meilleurs rôles au cinéma, retrouve pour l’occasion Gilles Lellouche et Élodie Bouchez déjà présents dans Pupille et travaille pour la première fois avec Leïla Bekhti, Fred Testot (méconnaissable) et Adèle Exarchopoulos qui, une fois encore, dévoile une palette de jeu impressionnante – la confrontation finale de son personnage, Chloé, avec celui qui l’a violée quand elle était petite est d’une tension rare au cinéma.

5 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Belle brochette d’acteurs archi-subventionnés par l’état français ..
    Je ne comprends même pas l’intérêt d’un article sur le sujet

    • Quand vous allez au cinéma, vous ne lisez jamais aucune critique avant ? Le sujet ne vous importe pas ?
      Le titre et les acteurs vous suffisent ?

  2. Il y a en France, toutes générations unies, la clairvoyance et la force propres à nous ramener à la verticale, pour lancer une épidémie du bien ; de celles qui arrachent les masques pour dire la vérité.
    Les livres et les films qui diffusent la vérité abondent désormais, et leur énorme succès désarçonne ceux qui continuent à seriner : « Dormez, braves gens… » On s’occupe de vous, on s’occupe de tout.
    Les gens braves, sont réveillés !!! Gare à leur bravoure.

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