Dimanche soir, le Palais a laissé filtrer la parole présidentielle. "Selon des sources proches de l’Élysée", le Président a jugé "le comportement d’Alexandre Benalla inacceptable", ajoutant que "nul n’est au-dessus des lois". On a bien compris que l’on va concentrer les feux sur l’acte violent commis par Benalla le 1er mai. La brute est allée trop loin et, surtout, elle s’est fait rattraper par la patrouille. Dans l’univers policé des plafonds à moulures et des parquets cirés, ça ne passe pas. Tant pis pour lui. Mais attention : nous sommes en 2018, pas sous Philippe le Bel, Henri III ou Charles de Gaulle. Benalla n’ira pas pourrir dans un cul-de-basse-fosse, ne sera pas poignardé dans le coin d’une ruelle de Paris ou ne s’enroulera pas autour d’un platane qui traverserait malencontreusement la route, un beau matin de retour de boîte de nuit. Non, il va prendre ses petites affaires (si ce n’est déjà fait) et l’on ne le reverra jamais au Palais. Affaire suivante. La vie continue. Enfin, c’est ce que va essayer de nous faire avaler la garde rapprochée d’Emmanuel Macron : les Collomb, Castaner, Griveaux et Ferrand.

"Inacceptable", le comportement de Benalla ? C’est tout ? Inacceptable mais accepté, semble-t-il, par le cabinet du Président qui était au courant, puisque son directeur avait sanctionné professionnellement le nervi élyséen.

Mais le Président concède aussi – le mea culpa n’appartient pas à son registre – qu’il y a eu des "dysfonctionnements" à l’Elysée. Dysfonctionnements : un mot bien pratique qui sent bon la technocratie. Un séminaire, peut-être ? Avec café, viennoiseries et jus d’orange d’accueil dans un lieu enchanteur pendant deux jours afin de détecter ces dysfonctionnements et proposer des « pistes d’amélioration ». Dysfonctionnement : c’est un peu comme une chasse d’eau qui fonctionne mal. On détecte le problème, où ça « dysfonctionne », on remplace la pièce défectueuse que l’on jette à la poubelle et ça repart comme avant. Nous avons eu le "responsable mais pas coupable" sous Mitterrand avec l’affaire du sang contaminé. Aujourd’hui, on est plus professionnel – la culture d’entreprise est passée par là, peut-être -, on parle donc de "dysfonctionnements", doux euphémisme qui permet d’éviter les vilains mots à connotation morale, décidément datés : fautes, dissimulations, mensonges.

Au moment où le point final est mis à ce billet, Gérard Collomb entre à l’Assemblée nationale pour s’expliquer devant la commission parlementaire. Maintenant que Benalla a été jeté aux encombrants, on espère que le ministre de l’Intérieur n’en restera pas à des questions de « dysfonctionnement ».

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23 juillet 2018 à 10:30

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