Remaniement ou pas remaniement ? On ne sait plus, on est perdu, comme l’oiseau de Michel Fugain. On ? Enfin, ceux que ça intéresse encore. Ce matin, au petit déjeuner, « on » me disait qu’elle s’en foutait ! Bon, déjà, il faudrait relativiser l’affaire. Ce gouvernement est le trente-huitième depuis le 8 janvier 1959, date d’entrée en fonction de Michel Debré, premier Premier ministre de la Ve République. En moyenne, un remaniement tous les dix-huit mois. Donc, à tout considérer, cette affaire n’est pas the event of the century, comme veulent nous le vendre en boucle les chaînes d'information continue. Rien qui casse vraiment trois pattes à un canard, si ce n’est qu’on cherche encore, apparemment, le mouton à cinq pattes pour remplacer ou, tout du moins, succéder à Gérard Collomb. Une façon, aussi, de contredire tous ceux qui moquaient la nullité de l’ancien ministre de l’Intérieur et de braver les lois de la nature qui, soi-disant, aurait horreur du vide.

Plus d’une semaine que la France vit avec un ministre de l’Intérieur par intérim. Édouard Philippe est partout, histoire de s’imposer dans le paysage. Lundi, il assistait, à Lyon, au G6 des ministres de l’Intérieur. Il faut montrer aux Français et à nos partenaires que la vente continue pendant les travaux de réfection et les échanges de pièces. Pas bonnet de nuit pour un sou, mardi soir, le Premier ministre de l’Intérieur patrouillait avec la BAC dans le 19e arrondissement de Paris. Mais être partout, c’est aussi être un peu nulle part. Le Monde rapporte les propos d’un policier concernant la réunion du G6 : "C’est la honte, on n’a même pas de ministre pour accueillir nos invités venus du monde entier." Et pendant ce temps, on imagine, les dossiers s’accumulent sur le bureau de la Place Beauvau.

Mais tout ceci serait normal, nous dit-on. Il faut le temps de procéder aux vérifications d’usage dans la République irréprochable pour dénicher l’homme ou la femme qui n’aurait jamais mis la main dans le pot de confiture ou oublié de payer ses impôts. Cela serait donc si difficile à trouver ? La présidence, toujours prompte à faire prendre aux Français les vessies pour des lanternes, nous explique qu’Emmanuel Macron "souhaite prendre tout le temps nécessaire, dans le calme, le professionnalisme et le respect des personnes, à la composition d’une équipe cohérente et de qualité au service des Français". Prends ton temps, Manu ! On notera les termes qui sentent bon la culture d’entreprise : "professionnalisme", "équipe de qualité". Des fois qu’on ait eu comme un doute, ces derniers temps...

On notera aussi, et c’est sans doute le fait le plus marquant, que ce remaniement ne s’accompagnera pas d’une démission du gouvernement, comme cela avait été évoqué initialement. Certes, cette démission n’est pas obligatoire pour remanier, mais c’était devenu l’usage depuis de nombreuses années, afin de donner un « nouveau souffle » à l’action gouvernementale. Souvenons-nous des Valls I et Valls II, Fillon I, II et III. Mais qui dit nouveau gouvernement dit déclaration de politique générale devant les assemblées. Pas certain qu’à l’Assemblée nationale, Édouard Philippe aurait fait le plein, notamment du côté du MoDem.

Dans l’esprit d’Emmanuel Macron, les élections de 2017 (présidentielles et législatives) sont un « package » qui lui donne un droit de tirage illimité pour la durée du quinquennat. Changer les ministres relève alors tout au plus de la technique de management des ressources humaines. En tout cas, à cette heure, la recherche du mouton à cinq pattes vire à la chasse au dahu. Avec, en plus, un Christophe Castaner qui aurait menacé de démissionner s'il n'obtenait pas le poste, selon une révélation de Libération. Mais, en attendant, dormez en paix, braves gens, Édouard Philippe patrouille.

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10 octobre 2018 à 16:36

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