Ce jeudi, Éric Zemmour, qui avait été relaxé en première instance, a été jugé en appel pour contestation de crime contre l'humanité après des propos tenus face à Bernard-Henri Lévy, en octobre 2019, sur CNews. La cour d'appel de Paris a rejeté la demande de renvoi du procès mais le président de la cour a précisé que la décision ne serait rendue qu’après l’élection présidentielle.

Mais qu’allait-il faire dans cette galère, s’interrogeront de nombreux Français ? Pétain, Vichy, les juifs, avec, au bout du compte, un nouveau risque de condamnation. Les polémiques déclenchées par le Zemmour écrivain se transforment en autant de champs de mines pour le Zemmour candidat.

Pour comprendre les raisons de cette controverse, qui semblera à beaucoup d’un autre âge, il faudrait replonger un peu plus de quarante ans en arrière. En 1981, BHL publie L’Idéologie française, qui déclenchera une intense polémique. Dans son livre, l’intellectuel sermonneur prétend « regarder la France en face » et se livrer à une « généalogie de nos démons ».

De sa « descente aux abîmes de l’idéologie française », l’auteur revient, tel un prophète, pour dénoncer une France tout entière « pétainisée » qui s’est « livrée sans retenue, avec une allégresse obscène » à un fascisme incarné par Vichy. Ce fascisme prend sa source, non pas à Berlin, mais dans cette « France noire » qui révère la terre et les morts, accuse Bernard-Henri Lévy. Barrès, Maurras, Péguy, Bernanos, Bergson, Mounier, tout y passe et tout s’y mêle.

Vaut-il la peine de discuter avec un « philosophe » qui « s’arroge le rôle de justicier », s’interroge à l’époque Raymond Aron ?

Des décennies plus tard, Éric Zemmour prend la peine de discuter avec lui car il a bien compris l’enjeu de cette guerre des mémoires dont l’Histoire n’est pas la finalité mais l’instrument : « Une utilisation redoutable du régime de Vichy et de la collaboration pour jeter l’opprobre sur toute notion de patriotisme, d’attachement à la terre natale », écrit-il dans Le Suicide français.

Car, pour les gardiens du dogme, la menace est toujours là, le ventre de la Bête toujours fécond. Zemmour en est le dernier rejeton. Et peu importe qu’il soit juif, il est la nouvelle figure du Mal et, donc, nécessairement fasciste et antisémite.

Le 5 janvier dernier, Le Monde donne la parole à l’historien Laurent Joly, auteur du livre La Falsification de l'Histoire. Éric Zemmour, l'extrême droite, Vichy et les juifs. Il s’agit de montrer « comment le candidat polémiste construit, dans la plus pure tradition de l’extrême droite française depuis plus d’un siècle, un projet politique de persécution des étrangers et de suspension des libertés ». Pour l’historien, pas de doute : « Son projet d’expulser 2 millions d’immigrés ou de suspendre certaines libertés publiques exige des mesures qui n’ont pas été prises… depuis Vichy. Justifier Vichy, c’est justifier qu’on puisse les mettre à nouveau en œuvre. Non plus contre les juifs, mais contre les musulmans. »

La boucle est bouclée, le complot éternel dévoilé : après Pétain, Zemmour. Après les juifs, les musulmans. La généalogie du Mal, ou comment instrumentaliser l’Histoire pour indéfiniment agiter la menace du retour de la peste brune et, ainsi, disqualifier moralement l’adversaire. Tout, ici, est politique.

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20 janvier 2022 à 19:22

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57 commentaires

  1. On n’est pas près de faire une information valable sur ce sujet comme on ne l’a toujours pas fait sur la 2° guerre mondiale. La vérité est trouble et les passions se déchainent. On ne dit pas, par exemple, combien l’armée Française s’est sacrifiée pour permettre le rembarquement des Anglais à Dunkerque. On ne rend pas assez justice à Paul Reynaud. On n’a même pas fait la vérité sur Joffre et la 1° guerre mondiale, la boucherie de Verdun ou l’initiative de paix de Benoit XV.

  2. On dirait que pendant la guerre tout le peuple français était gaulliste. Il faudrait lire le livre écrit par Henri Amouroux  » 40 millions de pétainistes ».

  3. Je me demande jusqu’où, la diabolisation de EZ, ne va pas grandement lui profiter, car on entend de plus en plus fort la colère monter, colère due à la curée que la meute des « bien pensants » active d’un manière imbécile. Quant à moi, mon choix est fait……………..

  4. au delà de toute polémique, force est de constater que, de tous les pays de l’Europe occupée, la France est celui où la proportion de juifs déportés a été la plus faible: sur environ 350000 juifs avant guerre, 275000ont échappé aux camps. Environ 75000 juifs ont été déportés, mais qui a « caché » les autres? avec quelles « complicités » officielles ou individuelles?

  5. Zemmour devra-t-il menacer ses ennemis de bas niveau de les poursuivre s’ils ne rapportent pas ses propos dans leur intégralité. A l’évidence dès qu’il parle il doit en préambule mettre en garde les hyènes et les vipères lubriques

  6. Comment peut-on juger le régime de Vichy en s’abstenant de se placer dans la France de l’époque. Une France défaite, soumise aux allemands. Il est toujours facile de dire: moi j’aurais été résistant, etc, etc… nous n’en savons rien.
    Les procès faits sont toujours étonnants: Mitterrand pourtant impliqué mais épargné, Zemmour simple commentateur éclairé, accablé. Sans oublier le double jeu des communistes devenu tabou.

    1. et oui on retrouve encore « tonton » les communistes résistants mais après l’opération « Barbarossa » en juin 1941

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