C’est une déflagration dans le ciel politique français. Comme nous l’annoncions mardi soir, le dernier sondage du magazine Challenges-Harris Interactive propulse Éric Zemmour au second tour de l’élection présidentielle. « Les chiffres ont de quoi donner le vertige, confirme Challenges, ce 6 octobre, sur son site Internet : en moins d’un mois, Éric Zemmour a plus que doublé son score, passant de 7 % à 17 % des intentions de vote et distançant, un à un, ses concurrents : Anne Hidalgo, le 15 septembre ; Valérie Pécresse, le 29 septembre ; Xavier Bertrand et Marine Le Pen, le 6 octobre. » Le sondeur lui-même ne cache pas une forme de sidération : « Jamais nous n’avions assisté à une ascension aussi fulgurante en si peu de temps », souligne Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive, cité par Challenges.

Certes, le sondage donne aujourd’hui Zemmour largement battu au second tour par Emmanuel Macron, mais il reste sept mois de campagne. Et qui, en dehors d’une poignée de jeunes militants attachés à sa cause, croyait, cet été, aux chances du journaliste dans la course à l’Élysée ? Lui-même ne l’évoquait pas sérieusement, se contentant de répéter qu’il y réfléchissait. Toute la classe politique a souri devant cette perspective, décoché de petites phrases amusées et snobé ce vrai-faux candidat jamais élu nulle part. Et pour cause : sa carrière est tout entière consacrée à son métier de journaliste. En quelques semaines, le non-candidat que Boulevard Voltaire a longuement rencontré, ce 5 octobre, renverse tous les pronostics, tous les calculs et toutes les combinaisons échafaudées depuis des mois dans les états-majors des partis, jusqu’au sommet de l’État. Zemmour rebat totalement les cartes de la présidentielle et fait désormais face au chef de l’État Emmanuel Macron.

Dans cette montée en puissance, un épisode a incontestablement servi d’accélérateur. Lorsque le CSA décide, le 8 septembre dernier, de comptabiliser le temps de parole de Zemmour comme celui d’un personnage politique, la chaîne CNews et son polémiste vedette prennent la nouvelle comme un coup dur. « Le pouvoir en rêvait, le CSA l’a fait », tweete un Zemmour amer. Soumis à d’intenses pressions, Roch-Olivier Maistre, le président du CSA, avait pourtant refusé cette solution dans une interview au Figaro, le 27 janvier : un journaliste n’est pas un homme politique, son temps de parole ne peut être décompté dans celui des partis politiques, expliquait-il clairement. Le CSA sortirait de son rôle.

Entre-temps, l’hypothèse Zemmour dans la campagne a pris de l’ampleur, c’est l’argument des sages. Mais voilà, en provoquant le départ d’Éric Zemmour de l’antenne, les sages du CSA ont renforcé son statut de champion de la liberté d’expression martyrisé. Surtout, ils ont libéré son emploi du temps. Le polémiste, qui passait sa matinée à travailler pour Le Figaro (le quotidien lui a également donné son congé temporaire), son après-midi à travailler l’émission et sa soirée à l’antenne, n’est plus sur CNews : il a du temps, il est invité partout, il parle, débat avec Mélenchon devant des millions de Français, donne des conférences à guichets fermés. Au lieu de cantonner son public à CNews et au Figaro, Zemmour diffuse de l'aube au crépuscule sa vision de la France, de son Histoire et de son destin. Cette campagne médiatique forcenée se traduit logiquement en intentions de vote. La dynamique des sondages fait le reste. Le polémiste peut adresser des fleurs au CSA.

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06 octobre 2021 à 14:38

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