La République amnésique (2) : quand patriotisme rimait avec colonialisme

Durant le mois d’août, Boulevard Voltaire fait découvrir à ses lecteurs un livre récent que la rédaction a apprécié. Chaque jour, un nouvel extrait est publié. Cette semaine, La République amnésique, de Thierry Bouclier.

Tout au long de la IIIe République, le patriotisme de la gauche la pousse à soutenir l’aventure coloniale. Il s’agit, pour elle, de répandre à travers le monde les idéaux auxquels elle croit. Toutes ses icônes chantent les louanges de la France et de sa mission civilisatrice.

Dans un discours pour l’Alliance française, prononcé à Albi en 1884, Jaurès s’exclame : "Quand nous prenons possession d’un pays, nous devons amener avec nous la gloire de la France, et soyez sûrs qu’on lui fera bon accueil, car elle est pure autant que grande, toute péné­trée de justice et de bonté. Nous pouvons dire à ces peuples, sans les tromper, que jamais nous n’avons fait de mal à leurs frères volontairement : que les premiers nous avons étendu aux hommes de couleur la liberté des Blancs, et aboli l’esclavage [...] ; que là enfin où la France est établie, on l’aime, que là où elle n’a fait que passer, on la regrette ; que partout où sa lumière resplendit, elle est bienfaisante ; que là où elle ne brille plus, elle a laissé derrière elle un long et doux crépuscule où les regards et les cœurs restent attachés…"

Jules Ferry va plus loin. Le 28 juillet 1885, il n’hésite pas à déclarer dans l’hémicycle de la Chambre des députés : "Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit sur les races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures."

Même Léon Blum y va de son petit couplet au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le 9 juillet 1925, il déclare devant la représentation nationale : "Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l’industrie…" Deux ans plus tard, le 10 juin 1927, il tempère ces propos dans des termes néanmoins surprenants : "Nous n’admettons pas qu’il existe un droit de conquête, un droit de premier occupant au profit des nations européennes sur les peuples qui n’ont pas la chance d’être de race blanche ou de religion chrétienne. Nous n’admettons pas la colonisation par la force…"

Racistes, Jules Ferry, Jean Jaurès et Léon Blum ? Selon la grille de pensée imposée par le politiquement correct de notre siècle, cela ne fait pas de doute. Sous la IIIe République, leur discours était pourtant celui d’hommes de gauche à la pointe du progrès.

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Me Thierry Bouclier
Avocat - Avocat au barreau de Bordeaux, spécialiste en droit fiscal https://www.avocat-bouclier-fiscaliste-bordeaux.fr/

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