Pauvre de nous : Claude Rich n’est plus

voici

Maintenant que Claude Rich nous a quittés, Venantino Venantini demeure le dernier des Tontons flingueurs à ne pas avoir été flingué par la Camarde.

Claude Rich, dans le film de Georges Lautner, c’est l’insupportable Antoine, soupirant de la jolie Patricia, filleule de l’irascible Fernand, incarné par Lino Ventura ; un Antoine compositeur de l’espèce bruitiste, connu pour signer concertos pour robinets qui fuient et sonates pour pneus crevés.

Claude Rich va enfin atteindre "l’anti-accord absolu", quand Fernand assure à Patricia que "ton Antoine commence à me les briser menu".

Claude Rich, dans l’Oscar d’Édouard Molinaro, c’est Christian, le comptable indélicat et plus insupportable encore, qui arnaque son futur beau-père, le tout aussi irascible Louis de Funès. "Vous connaissez ma fille depuis combien de temps ?" "Un an et demi. Mais je suis aussi son amant..." "Depuis combien de temps ?" "Un an et demi..." "Eh bien, vous, le moins qu’on puisse dire est que vous ne perdez pas de temps !"

Claude Rich, c’est un phrasé inimitable, une longue silhouette, souple et dégingandée, des yeux qui riaient tout seuls, une classe naturelle et incomparable.

Claude Rich, ce sont des dizaines de films et plus, encore, de pièces de théâtre. C’est aussi le roué Talleyrand qui affronte le terrible Fouché, Claude Brasseur, dans Le Souper, sublime pièce de Jean-Claude Brisville, transposée sur grand écran par Édouard Molinaro.

Claude Rich, c’est également ce vieillard aussi pingre qu’atrabilaire dans Le crime est notre affaire, fort joli film de Pascal Thomas, très librement inspiré d’un roman d’Agatha Christie. Même en ignoble bonhomme, il parvient à inspirer de la tendresse, à faire transpirer l’humanité de son personnage, au coin d’un sourire, au travers d’un regard.

Claude Rich, c’est l’homme qui sait tout jouer, l’acteur qui peut tout jouer ; à l’exception, peut-être, de ce rêve à jamais inassouvi ? Incarner le père Charles de Foucauld, l’ermite du Hoggar, dont il conserva longtemps la photo dans son portefeuille, fasciné qu’il était par son « besoin d’absolu ».

Claude Rich, en effet, est un catholique de conviction, espèce assez rare en un show-biz désormais envahi de Michaël Youn et de Jamel Debbouze. Se définissant comme un "chrétien pitoyable", il affirmait au passage : "Je ne suis pas un très bon chrétien. Je n’étudie pas beaucoup ma religion, mais je crois en l’amour de Dieu. De la même façon que l’on ne sait pas toujours pourquoi on aime une personne, j’aime Dieu. Je le fréquente tous les dimanches. Lorsqu’il m’arrive de confier à quelqu’un mon intention d’aller à la messe le dimanche et que mon interlocuteur me fait part de son étonnement, je lui dis que c’est moi qui suis étonné qu’il n’aille pas à l’église !"

Claude Rich est malgré tout assez bon chrétien pour signer des deux mains le manifeste de "total soutien" au pape Benoît XVI, quand ce dernier remit à l’honneur la messe tridentine.

Claude Rich fut donc un drôle de paroissien. Qu’il nous soit ainsi permis de le saluer, humblement et chaleureusement, en ces colonnes, pour tout le bonheur qu’il nous a donné, et surtout les moments d’émotion et les fous rires avec lui partagés.

À Dieu, Claude Rich. À Dieu en deux mots, tel qu’il se doit ; pour vous dire ce qui n’est qu’un au revoir.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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