Mathéo, Laura, Kevin et les autres…

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Mathéo, 19 ans, tué à Amiens parce que sa voiture était immatriculée 75.
Laura Bernard, 16 ans, retrouvée poignardée à Sallaumines.
Kevin Desmidt, 27 ans, entre la vie et la mort après un lynchage à Dunkerque.

Trois noms de plus à rajouter sur une liste qui s’allonge. Trois victimes de plus.

Le Courrier picard a titré « Mathéo, tué par erreur ». Tué par erreur. En France, sous l’effet sans doute de la distraction, sans doute que la personne à qui ce sort était destiné le méritait. Sans doute s’agissait-il de quelque affaire importante. Impliquant de hautes valeurs. L’honneur, par exemple ? En réalité, Mathéo a été tué sur fond d’embrouilles entre bandes de jeunes impliquant des Parisiens. Un crime pour un motif aussi dérisoire qu’il est brutal. Aussi stupide qu’irréversible. Un motif de guerre de territoire, un motif tribal.

Et Laura, on ignore pourquoi elle a été poignardée. On sait juste qu’en France, une jeune fille de 16 ans a été tuée pour rien. On peut le dire sans crainte de s’avancer. Aucune jeune fille de 16 ans n’est poignardée pour une raison valable.

Quant à Kevin, il a été lynché pendant le carnaval de Dunkerque. « Ce n’est pas l’esprit du carnaval », balbutie l’un des organisateurs sous le choc. On s’en doute bien. C’était visiblement dans l’esprit de la bande de jeunes. « On constate l’arrivée de bandes non déguisées venues pour voler ou tabasser », admet le maire de la ville.

La même rengaine. Inlassablement. Des bandes de jeunes, des fripons, des galopins, des petits sauvageons. Gérard Collomb a beau dire que, pour l'instant, nous vivons côte à côte, c’est faux. On vit déjà face à face pendant que d’autres se la voilent.

Pourquoi ce compte rendu ? Pour ne pas s’habituer au mal, pour ne pas le banaliser. La violence du quotidien est en explosion. Les titres des informations locales ne sont qu’une litanie de faits divers sordides. L’État semble avoir lâché le pays réel. Ses missions régaliennes ne sont plus assurées. On peut chercher des causes, des explications, des analyses. On peut faire preuve de prudence pour ne pas provoquer d’amalgames. On peut se boucher les oreilles, les yeux, le nez. Mais à un moment donné, il faut le dire. Trois jeunes sans histoire, inconnus des services de police, sont morts ou entre la vie et la mort parce qu’ils ont été abandonnés.

À l’heure où tous agitent le spectre d’une crise économique et financière, à l’heure où la dette dépasse notre PIB, certains imaginent déjà la faillite de l’État. Elle a déjà eu lieu. Moralement.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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