Marion Maréchal-Le Pen et Patrick Buisson : un déjeuner pour une recomposition ?

La rencontre n’était pas vraiment secrète, mais elle a eu lieu au salon Drouant, qui abrite les jurys Goncourt et Renaudot. Marion Maréchal-Le Pen et l’ancien conseiller du Président Sarkozy n’avaient pas eu, jusqu’alors, le temps d’échanger en profondeur. C’est donc chose faite. L’ancienne députée FN, qui prétend avoir pris du recul vis-à-vis de la politique (pour mieux rebondir ensuite ?), affirme appartenir à la droite Buisson, puisque ce dernier est devenu, depuis son best-seller, le gourou de la droite conservatrice. Ce déjeuner est-il annonciateur d’une recomposition à venir ? Sans doute pas, car ces deux personnalités, si elles gardent une influence morale incontestable, n’ont aucune responsabilité dans leurs camps respectifs.

La gauche (socialistes, "hamonistes", France insoumise et partisans de l’extrême gauche) pèse pour 35 %, le centre gauche (M. Macron) pour 20 %, le centre droit (Agir, partisans de Mme Pécresse et de M. Bertrand) pour 10 % et le reste (35 %) vote FN et LR tendance Wauquiez. Les électorats de ces deux formations sont proches, voire interchangeables, mais ces deux partis sont séparés politiquement car, s’ils se retrouvent sur l’immigration et les mesures de rétablissement de l’ordre, ils n’ont rien en commun sur le plan économique. Les thèses du Front national dans ce domaine ont empêché Mme Le Pen de faire un score honorable au deuxième tour de l’élection présidentielle (voire de le gagner) et lui interdiront, sauf volte-face complète, d’accéder un jour au pouvoir. Mais du fait de sa présence, elle risque d’interdire à la droite de gagner les élections pendant les vingt ou trente ans qui viennent.

Car, dans l’ancien système, le centre droit était allié à LR et ce bloc de 35 % s’imposait une élection sur deux, en s’appuyant au second tour sur l’électorat du FN. Désormais, le centre droit se veut indépendant. Cette prétention survivra-t-elle aux prochaines élections ? Rejoindront-ils LREM ou reviendront-ils la queue basse vers LR ? En tout cas, leur défection en 2017 a permis à M. Macron de gagner les dernières législatives.

Si le bloc conservateur (FN et LR) était uni, il aurait des chances de retrouver le chemin du pouvoir sans s’appuyer sur le centre si incertain mais, encore une fois, tant que Mme Marine Le Pen sera là, aucune alliance ne sera possible. Marion Maréchal-Le Pen semble l’avoir compris et s’est mise en retrait. Pendant la dernière présidentielle, elle s’opposait à la sortie de l’euro et, d’une manière générale, à la politique économique mise en avant par sa tante et M. Philippot. Si elle dirigeait le FN, comme elle a une image plus moderne et moins clivante que Marine Le Pen, un accord électoral avec LR serait (peut-être) possible, au prix d’une scission avec les éléments les plus extrémistes du Front, mais les chances de la nièce de s’imposer sont quasiment nulles et Mme Le Pen conservera la tête de son parti pour encore vingt ou trente ans.

Mme Maréchal-Le Pen, malgré les espoirs que beaucoup portent sur elle, est pour l’instant dans une impasse. Elle est barrée par sa tante et, sur sa gauche, par M. Wauquiez qui, sans nul doute, se présentera en 2022. Il faudrait une extraordinaire conjonction électorale pour qu’elle puisse émerger. Mais qui aurait parié sur M. Macron à l’été 2016 ?

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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