Lundi dernier, Emmanuel Macron réunissait nos ambassadeurs à l’Élysée. Au programme des réjouissances, l’Europe et comment la remettre en marche, en quelque sorte. D’où ce constat : "L’Europe ne peut plus remettre sa défense aux seuls États-Unis. Nous devons tirer toutes les conséquences de la fin de la guerre froide." Près de trente ans après la chute de l’URSS, il était effectivement temps d’y penser.

Il s’agit donc de renforcer "la solidarité européenne". Fort bien, sauf qu’en même temps, le même Macron entend mener "le combat contre les nationalismes". Soit, au mieux, se désolidariser des peuples ayant mal voté, "lèpre populiste" oblige ; pis, leur déclarer une guerre plus ou moins larvée au nom d’un "modèle humaniste de la mondialisation" censé porter "une volonté de souveraineté européenne". C’est beau, sauf qu’en même temps, ça ne veut rien dire ; ou alors tout et son contraire.

Celle qui ne s’y est pas trompée, c’est Alice Weidel, l’une des dirigeante de l’AfD allemande qui, dans un entretien accordé au Parisien, évoque ce "rassemblement des progressistes » : "Je n’y vois que le dernier sursaut d’une vieille élite complètement désorientée. […] Je pense, au contraire, qu’Emmanuel Macron finira par accélérer la division de l’Europe."

Mieux, toujours à l’en croire, ce seraient surtout ces partis populistes qui auraient désormais une longueur d’avance : "Les pays qui donnent actuellement une impulsion à l’Europe sont ceux d’Europe centrale et orientale, de l’Autriche à la Pologne en passant par la Hongrie, la Slovaquie et la Tchéquie" qui se partagent un territoire appartenant à l’ancien espace culturel commun de l’empire des Habsbourg." Bref, l’un fait tourner le moulin à prières avec son "modèle humaniste de la mondialisation" tandis que l’autre en appelle aux mânes d’une histoire millénaire tout en appelant de ses vœux "l’Europe des patries selon le général de Gaulle". On voit bien qui, des deux, est le premier de cordée.

En même temps, toujours en Allemagne, Sahra Wagenknecht, sorte d’Alice Weidel de gauche, tire la sonnette d’alarme sur les récentes vagues migratoires, tel que rappelé en ces colonnes, tandis qu’en Italie, le M5S fondé par Beppe Grillo vient à la rescousse de Matteo Salvini de la Ligue, toujours sur ces mêmes questions. Si « l’élite désorientée » resserre les rangs, les populistes, eux, auraient plutôt tendance à ouvrir les bras…

Et en France ? Emmanuel Macron vient peut-être ici de commettre sa première erreur politique majeure. Il avait saisi la demande d’un peuple exigeant plus de « verticalité du pouvoir » ; il n’a pas su faire de même avec d’autres aspirations populaires relatives à l’identité et à la souveraineté. Un autre populiste, Jean-Luc Mélenchon, est d’ailleurs en train de commettre une faute stratégique similaire, persistant à « vouloir accueillir les migrants au nom de la Révolution de 89 », à rebours de ce qu’exige son reliquat d’électorat populaire.

Il aurait pu accepter la main tendue par Marine Le Pen, il a préféré revenir à ses vieux réflexes. C’est un repli frileux, mâtiné de populisme à la sauce quinoa. Avec Gérard Miller en caution ouvrière ? Jean-Luc Mélenchon veut en même temps fromage et dessert, café et digestif. En attendant l’addition ? Laquelle pourrait bien être aussi salée pour lui que pour un Emmanuel Macron persistant à marcher. Mais à reculons.

Même agité de ces soubresauts annonçant généralement la phase terminale, c’est qu’il est de moins en moins fécond, le ventre d’où a surgi leur vieux monde.

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29 août 2018 à 21:55

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