L’insulte est l’argument du faible

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On a beau détester les idées de Nathalie Kosciusko-Morizet et tout ce qu’elle incarne, souhaiter sa défaite aux élections et sa disparition de la scène politique, ce qui s’est passé à Paris jeudi 15 juin au matin est intolérable. En campagne place Maubert (Ve arrondissement), la candidate a été violemment prise à partie par un passant à qui elle tentait de remettre un tract. L’homme semble l’avoir agressée verbalement, lui reprochant d’être une "bobo de merde" et responsable de l’élection d’Hidalgo à la mairie de Paris. Puis, lui arrachant ses tracts pour les lui jeter à la figure, il a provoqué sa chute sur le trottoir.

Après avoir perdu connaissance quelques instants, la candidate a été hospitalisée. L’homme, quant à lui, s’est enfui.

Le combat politique ne permet pas tout. Surtout pas – qu’on pardonne cette réflexion affreusement sexiste - de frapper une femme. Nous ne sommes plus dans les années trente où les cannes volaient bas et servaient souvent à corriger l’adversaire d’importance. La confrontation physique, qu’on croyait réservée à quelques nervis d’extrême gauche ou droite, aux antifas ou à leurs alter ego de l’autre bord, révèle surtout la taille d’un cerveau qui frappe d’abord, discute ensuite. Et c’est assez inquiétant.

La violence en politique serait-elle de retour ? La société redevient violente. Le phénomène ne se développe pas seulement au sein des populations délinquantes ou criminelles, qui étaient, sont et resteront violentes, mais aussi au sein de la population normale qui semble exprimer de cette manière ce qu’elle ne parvient plus à verbaliser. Qu’il s’agisse du quasi systématique "doigt d’honneur" au volant ou des éructations haineuses de n’importe quel passant mécontent, l’expression d’un désaccord avec des mots et un comportement respectueux de la personne n’est plus à la portée de certains. D’où ces gestes, marqueurs au mieux de la bêtise ordinaire (le majeur levé bien haut pour un appel de phares), au pire de la détestation accumulée dans un esprit borné.

Pourquoi la politique échapperait-elle à cela ? Voici un domaine par excellence où devrait régner un esprit de confrontation des idées, des points de vue et des discussions. "Programme contre programme", disent tous les politiciens. Cela ne fonctionne plus ainsi. D’abord parce qu’il n’y a plus de programme, plus d’idées, plus de débats. De nombreux sujets sont devenus tabous, d’autre sont d’une telle complexité qu’ils échappent à l’entendement, d’autres enfin donnent lieu à un consensus qui les fait sortir du champ du débat. Les politiciens sont – la campagne présidentielle l’a montré - de purs produits marketing. Ils ne pensent pas, ils ne réfléchissent pas, ils se trouvent déstabilisés par la moindre argumentation un peu serrée. Alors, ils esquivent. Dans la presse, c’est facile, avec la complicité des journalistes. Dans la rue, c’est plus compliqué.

Quant aux citoyens, formatés par une télévision omniprésente et dépourvus – merci l’Éducation nationale - de la formation élémentaire à la discussion, ils réagissent selon leurs instincts. NKM, une « bobo de merde » ? On peut le penser. On peut aussi l’exprimer poliment. Mais, à l’instar d’un Sarkozy avec son "Cass’ toi, pauv' con !", l’homme de la rue n’a plus ces nuances. Il n’aime pas, il crache ; il frappe, une carrosserie ou un visage ; il insulte. Et il s’enfuit. Parce que l’insulte est l’argument du faible. Toujours et partout.

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