Jean Sévillia : « Il n’y a pas plus Français que Louis de Funès et Lino Ventura ! »

Jean Sévillia

Jean Sévillia réagit au micro de Boulevard Voltaire après l'annonce d'Emmanuel Macron, lors de son interview à Brut, de proposer un catalogue de personnalités issues de la diversité qui pourraient être distinguées par un nom de rue ou une statue.

 

Ce week-end, Emmanuel Macron a répondu au journaliste Rémy Buisine lors d’une interview en direct. Dans les nombreuses déclarations du chef de l’État, on a noté qu’entre 200 et 300 noms de personnalités issues de la diversité sont proposés aux Français afin que l’on se serve de leur nom pour renommer des écoles et des rues. Cela leur permettrait que chacun se sente partie prenante du patrimoine, de l’héritage français. Cette initiative est-elle intéressante ?

 

S’il s’agit de considérer que des gens venus de l’étranger ont apporté quelque chose à la culture de l’Histoire de France, c’est une évidence. Il n’y a pas besoin d’Emmanuel Macron pour le savoir. La façon dont il a affirmé ce principe répond d’un réflexe communautaire parfaitement contradictoire avec la tradition républicaine, universaliste française, qui consiste à classer les gens en fonction de leurs origines. Il y a d’autres traditions que la tradition républicaine. D’après ce que j’ai lu ici ou là, cette conception est étendue à des gens comme Louis de Funès ou Lino Ventura. Il n’y a pas plus français que Louis de Funès ou que Lino Ventura. Si on leur avait dit le temps de leur vivant qu’ils étaient des représentants de la diversité, ils en auraient été fort étonnés. Il y a donc un mélange de confusion mentale très dominant qui ouvre la porte à une vision racialiste qui donne du grain à moudre à tous les indigénistes et les déconstructeurs de notre histoire. Cela me paraît extrêmement périlleux.

 

 

On a l’impression que le seul point commun est leur nom à consonance étrangère.

On pourrait penser que nous avons un raisonnement à la limite du racisme…

 

L’anti racisme peut devenir une forme de racialisme. C’est un germe dans le type de propos de Macron. C’est une déconstruction du lien national et de notre Histoire. Sur le principe qu’il y ait une grande figure qui n’ait pas eu la peau blanche, c’est évident, mais il n’y a pas besoin de passer sous silence le lien national qui nous unis à travers les générations.

 

 

Le conseiller ministériel confiait au Parisien qu’il avait découvert les idées de Macron en même temps que ceux qui ont regardé le direct de Brut. On a l’impression que c’est ce genre de « en même temps » que Macron distille çà et là pour contenter tout le monde. Cette proposition ne verra le jour qu’à a fin de l’ année 2021, autant dire assez tard.

 

Toute l’intervention faite par le président de la République sur la chaîne Macron s’adresse à un public particulier et envoie un message à ce public-là. Ce n’est pas le rôle du chef de l’État d’envoyer des messages particuliers à des communautés particulières. Le rôle de l’État est au contraire, d’être garant de l’unité nationale par les différences qui composent la société française. Cela me paraît être à contre-emploi de la fonction qui lui est assignée par le suffrage universel.

 

Jean Sévillia
Jean Sévillia
Journaliste et essayiste - Rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine, membre du comité scientifique du Figaro Histoire, et auteur de biographies et d’essais historiques.

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