Il fallait peut-être qu'Emmanuel Macron reconnût qu'Ali Boumendjel, « avocat et dirigeant politique du nationalisme algérien » fut, lors de la bataille d'Alger, « arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957 », selon les termes du communiqué de l'Élysée. Mais il n'aurait jamais dû le faire ainsi, dans une vision partielle et partiale de l'Histoire. « Regarder l’Histoire en face, reconnaître la vérité des faits », c'est bien. Encore faut-il qu'on regarde toute l'Histoire en face.

Macron avait déjà, sur le sol algérien, qualifié la colonisation de « crime contre l'humanité ». Il avait admis, en 2018, que Maurice Audin, mathématicien, membre du Parti communiste algérien et militant anticolonialiste, était « mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France ». C'est aujourd'hui le tour de l'avocat Ali Boumendjel. D'autres noms suivront, sans doute, si l'on en croit le communiqué publié mardi 2 mars : « C’est dans cet esprit que le président de la République a souhaité faire ce geste de reconnaissance, qui n’est pas un acte isolé. »

Cette reconnaissance fait, en effet, partie des gestes d'apaisement recommandés par l'historien Benjamin Stora, dont le parti pris n'est pas à démontrer. Macron espère ainsi réduire les tensions autour de la mémoire de ce conflit et œuvrer pour la réconciliation franco-algérienne. Il en a le droit, mais avait-il le droit de le faire au nom de la France ? Car tout laisse à penser que sa vision personnelle déforme la vérité historique.

Manifestement, Macron veut plaire au gouvernement algérien. Certes, le communiqué conclut, plus généralement, qu'« aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté », mais on y cherche en vain quelque allusion aux crimes et au terrorisme pratiqués par le FLN. On saura prochainement s'il a obtenu, en échange, du gouvernement algérien la reconnaissance des crimes, des tortures, des attentats perpétrés par les fellaghas, mais il ne faut pas se faire trop d'illusions.

Les dirigeants algériens au pouvoir ne sont pas près de reconnaître ces crimes, le terrorisme aveugle, l'enlèvement de pieds-noirs, le massacre des harkis, toutes les horreurs commises par leur camp. Ils sont d'autant plus assurés d'être dans leur bon droit qu'ils trouvent, en France, la caution de certains milieux politiques et même, semble-t-il, celle du chef de l'État. Aucune guerre n'est propre mais, si l'on y regarde de près, si l'on examine les motivations des uns et des autres, on s'aperçoit que le camp indépendantiste s'est bien plus sali les mains que l'armée française qui, rappelons-le, ne faisait qu'obéir aux ordres des politiques.

Si Macron veut tant « avancer sur la voie de la vérité », qu'il renonce à sa vision manichéenne, idéologique et finalement simpliste de cette période tragique de l'Histoire française, qu'il en embrasse toute l'étendue, toute la complexité. Qu'il commence par faire toute la lumière sur la responsabilité des dirigeants français de l'époque dans la guerre d'Algérie et des épisodes tragiques comme le massacre de la rue d'Isly ou l'abandon volontaire des harkis, qu'il se demande pourquoi des officiers et des soldats sont sortis de la légalité pour rester fidèles à la parole de la France. La vérité, oui, mais toute la vérité !

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03 mars 2021 à 16:45

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