Crise des migrants en Pologne : pour Marine Le Pen, « la frontière polonaise, c’est la nôtre »

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Le 8 novembre dernier, au début de la crise des migrants en Pologne, Marine Le Pen accordait à Boulevard Voltaire un entretien exclusif. Alors que la crise s'envenime, il n'a jamais été aussi actuel. Vous trouverez l'intégralité de cet entretien choc ci-dessous, en texte et en audio.

« Erdoğan se sert des migrants comme d'une arme. » Alors que d'impressionnants cortèges de migrants tentent de franchir la frontière entre la Biélorussie et la Pologne pour entrer en Europe, Marine Le Pen accorde à Boulevard Voltaire un entretien exceptionnel. La candidate à l'élection présidentielle tape du poing sur la table. Ces migrants, « il faut les renvoyer chez eux », assène-t-elle. Elle appelle de ses vœux une double frontière européenne et française. Tout l'inverse de la politique pratiquée aujourd'hui en Europe : « L'Union européenne veut de l'immigration supplémentaire », accuse-t-elle, alors même que « tous les pays du monde protègent leurs frontières ». Pour elle, les Français ont largement pris conscience de la menace migratoire, mais pas Emmanuel Macron. Entretien choc.

 

Selon vous, que se passe-t-il à la frontière polonaise ?

La Biélorussie se sert des migrants comme d’une arme. M. Erdoğan a fait des émules pour se venger de l’Union européenne. Maintenant, il a une arme moderne constituée par les flux migratoires. On laisse entrer massivement les flux migratoires pour faire céder politiquement un pays ou un groupement de pays. C’est exactement ce qu’avait fait Erdoğan. Il avait fait du chantage aux migrants en disant « Si vous ne m’accordez pas six milliards d’euros, j’ouvrirai grand les frontières et je laisserai les migrants passer et envahir le territoire européen. »

C’est très symbolique et très inquiétant. On s’aperçoit que l’Union européenne est dans l’incapacité d’apporter une réponse de par son laxisme traditionnel dans le domaine migratoire.

 

D’où viennent ces migrants ?

Ces migrants viennent de partout. L’immigration, aujourd’hui, est mondiale. Là, on parle d’Irakiens et de Syriens. Il y a différentes routes d’immigration. Ce qui est inquiétant et révélateur, c’est qu’ils sont utilisés par les pays comme une arme.

Pourquoi cela nous inquiète énormément ? Premièrement parce que nous savons bien qu’un jour ou l’autre, c’est nous qui serons ainsi menacés par ce type de chantage.

Deuxièmement, parce que la frontière polonaise est la nôtre ! Compte tenu de Schengen et de la suppression des frontières intérieures des différents pays au sein de l’Union européenne, nous n’avons plus de frontières intérieures. Notre frontière est donc une frontière extérieure. C’est la raison pour laquelle je m’étonne de voir que l’Union européenne n’a pas réagi en même temps avec célérité et une très grande fermeté à ce qui est en train de se passer à la frontière polonaise. Je rappelle que non seulement l’Union européenne elle-même menace la Pologne et, de surcroît, l’Union européenne a exprimé son désaccord pour la construction d’un mur qui visait précisément à empêcher ces migrations sauvages.

 

Pour l’instant, l’Europe bloque la résolution de la situation. Selon vous et selon l’Europe, que faire de ces migrants ?

Il faut les renvoyer chez eux. C’est aussi simple que cela. Je suis assez partisane de la double frontière, les frontières intérieures et extérieures. Il faudrait, pour cela, transformer Frontex - actuellement une agence d’accueil des migrants - en un véritable corps de police des frontières qui pourrait, d’ailleurs, très bien être abondée par de la police aux frontières de l’intégralité des pays concernés. Cela permettrait d’avoir une double sécurité. Une frontière extérieure maîtrisée par Frontex, qui deviendrait vraiment un organisme qui empêche les migrants d’entrer, et puis des frontières intérieures à chaque pays qui sont une sécurité supplémentaire. C’est un peu « ceinture et bretelle ».

 

Frontex a-t-elle les moyens de contenir ces assauts ?

La question n’est pas de savoir si elle a les moyens, mais plutôt de savoir si elle le veut ; c'est le problème de fond.

Philosophiquement, l’Union européenne est pour la promotion de l’immigration. Toutes les décisions qu’elle prend visent à accueillir les migrants. Lorsque Frontex reconduit des personnes, elle est sommée par la Commission européenne de cesser de le faire, accusée de refouler les migrants. On voit bien qu’il y a une contradiction essentielle. L’Union européenne veut de l’immigration et veut mettre en place le pacte d’immigration contre lequel nous nous battons avec beaucoup d’énergie avec nos députés européens. Elle souhaite de l’immigration supplémentaire. Tout cela se sait. Le signal lancé est un signal entendu. Si la situation fonctionnait normalement, lorsqu’un des pays de l’Union européenne est ainsi attaqué à ses frontières par un afflux de migrants utilisés comme une arme par un pays tiers, alors Frontex devrait pouvoir envoyer très rapidement sur le terrain à cette frontière des renforts à la police aux frontières du pays en question. Or, pour l’instant ce n’est pas ce qui est fait ni ce qui est décidé. Dans les quelques jours à venir, nous verrons bien quel sera le comportement de l’Union européenne. Je n’en attends rien parce que, précisément, j’ai bien compris qu’en réalité, elle était un défenseur des flux migratoires et non pas un opposant aux flux migratoires.

 

Quel pourrait être le rôle de la France et de chaque pays vis-à-vis de ces frontières ? Vous parlez de rétablissement des frontières des différentes nations. Est-ce possible ? Comment cela pourrait s’articuler ?

C’est possible. Tous les pays du monde ont des frontières et protègent leur frontière. Il est parfaitement possible, si nous le décidons, de retrouver la maîtrise de nos frontières. Comme je vous le disais tout à l’heure, faire de Frontex un véritable corps européen de police aux frontières qui serait abondé par des policiers aux frontières de chacun des pays et qui pourraient, en cas d’afflux massif, comme c’est le cas en Pologne, être immédiatement envoyés sur place et intervenir. Je ne serais pas contre d’aider la Pologne, au vu de la situation dans laquelle elle se trouve, en envoyant de la police aux frontières françaises pour venir soutenir la police aux frontières polonaises. Encore une fois, il s’agit de notre frontière commune en l’état.

 

La police aux frontières seule peut-elle faire face à un tel afflux ?

La police aux frontières a parfaitement la possibilité de faire face à un tel afflux. Je pense que le problème majeur est, encore une fois, le signal lancé par l’Union européenne. L’Union européenne dit à l’ensemble de ces millions de personnes qui souhaitent venir en Europe « Venez et vous y serez bien accueillis ». Ce signal est évidemment entendu. Or, un certain nombre de pays, dont la Pologne, sont tout à fait opposés à cette politique migratoire, à la relocalisation des migrants et à ouvrir leurs frontières. Ces pays-là sont combattus durement par l’Union européenne, précisément en raison de ces positions.

Tous les débats qui ont eu lieu sur la primauté de la Constitution polonaise sont en réalité des excuses. Ce qui déplaît profondément à l’Union européenne, que ce soit pour la Hongrie ou la Pologne, c’est le refus de la Hongrie et de la Pologne d’accueillir des migrants dans le cadre du plan de relocalisation qu’appelle de ses vœux la Commission européenne.

 

L’Allemagne réclame des sanctions contre les transporteurs. En frappant les transporteurs, pourrait-on régler une partie du problème ?

C’est assez paradoxal. La même Allemagne, qui a une voix prépondérante au sein de l’Union européenne, souhaite dépénaliser l’action des ONG dans le cadre du pacte des migrations dont on sait qu’elles sont complices des passeurs et qu’elle participe à l’arrivée sur le territoire européen des migrants, voudrait dans le cas de la Biélorussie avoir une condamnation des transporteurs. Pourquoi pas ! Mais à ce moment-là, il ne faut pas dépénaliser le travail des ONG qui, en Méditerranée vont chercher les migrants quasiment sur les rives des pays d’immigration pour les ramener sur les rives européennes.

 

La France a-t-elle pris conscience de la crise ? Quel est le rôle d’Emmanuel Macron dans cette affaire ?

Les Français ont tout à fait conscience de la crise des flux migratoires à laquelle nous sommes confrontés. Les Français ont parfaitement conscience que la situation ne pourra que s’aggraver. Les Français ont parfaitement conscience qu’il faut couper les pompes aspirantes de l’immigration et maîtriser nos frontières, car si on continue à laisser l’aspirateur tourner à plein régime, cela ne servira à rien. Il faut donc ce double cliquet de l’arrêt des pompes aspirantes et de la maîtrise de nos frontières.

Emmanuel Macron est dans une philosophie tout à fait contraire, il ne souhaite pas la maîtrise des flux migratoires. Il participe de cette vision de l’Union européenne, des relocalisations forcées des migrants dans les différents pays européens. Il est, d’ailleurs, un grand défenseur du pacte des migrations. On verra bien ce qu’il fait pendant la présidence française sur ce sujet du pacte des migrations qui est évidemment un pacte de subversion de l’Union européenne et un pacte d’impuissance pour les différents pays pour s’y opposer.

 

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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