En tracteurs, les paysans prennent les Invalides !

manif agriculteurs

« Certains se sont levés à 3 heures du matin. » David, quant à lui, a eu un peu moins de route. Agriculteur à Sonchamp, à coté de Saint-Arnoult-en-Yvelines, il a pris le volant de son tracteur pour rallier l’esplanade des Invalides dont l’ensoleillement contrastait avec le froid sec qui enveloppait Paris. À l’appel d’organisations syndicales comme la FNSEA, ils sont plusieurs milliers à avoir bravé l’heure matinale et les embouteillages parisiens (il faut dire qu’ils en ont provoqué quelques-uns) pour venir au plus près des ministères et de l’Assemblée nationale. La raison de leur colère ? « L’interdiction des produits phytosanitaires dans l’agriculture. »

En cause, des normes françaises bien plus exigeantes que les normes européennes, plaçant l’agriculture française dans un phénomène de concurrence déloyale face aux autres pays de l’Union européenne. « On n’a rien contre la diminution des agents chimiques, bien au contraire, mais on ne nous a proposé aucune solution de remplacement », déplore Arnaud Rousseau. Le premier vice-président de la FNSEA fait part de son incompréhension face à des normes qui menacent les agriculteurs « contributeurs de la souveraineté de notre pays. Souveraineté alimentaire mais aussi énergétique », rappelle ce cadre syndical. Dans les faits, ce sont plus de 600 tracteurs qui campent devant les Invalides pour interpeller le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, qui devait recevoir une délégation dans la journée.

Pour les accueillir à l’arrivée : une délégation d’une trentaine de députés du Rassemblement national emmenée notamment par le député du Médoc Grégoire de Fournas. « Nous sommes venus pour soutenir nos agriculteurs. Au-delà de la revendication principale qui est l’arrêt des néonicotinoïdes pour la production de la betterave, c’est aussi la concurrence déloyale, la pression de la grande distribution… autant de sujets graves qui nous poussent à être présents », avance le député du Médoc.

Parmi les autres politiques présents, le président de commission Renaissance, Guillaume Kasparian, et une petite délégation d’élus LR dont faisait partie le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand. Une présence logique, tant le secteur de la betterave sucrière est un sujet économique majeur dans sa région, mais qui n’est pas du goût de tous. « Il devrait avoir honte d’être ici », maugrée un agriculteur en voyant l’ancien candidat à la primaire des LR serrer les mains des cadres de la FNSEA. Des salutations brièvement interrompues par l’intervention de la députée RN de la Somme Yaël Menache qui a apostrophé brièvement l’ancien ministre de la Santé. « Je suis stupéfaite de vous voir ici », lui a lancé l’élue du nord de la France qui lui a rappelé son appartenance « à un gouvernement qui a ratifié tous les traités européens » en grande partie responsables du déclin de l’agriculture française. Une interpellation à laquelle Xavier Bertrand n’a pas répondu, hormis un bref « Vous êtes là pour bordeliser ,» comme un hommage à l’expression favorite de Gérald Darmanin face à la NUPES. « Il s’est trompé de référence », s’amuse l’élue du RN.

En toile de fond de cette revendication particulière, c’est bel et bien l’agriculture française et ses acteurs qui souffrent dans leur globalité. Les chiffres glaçants du suicide le démontrent. Chaque jour, en moyenne, deux agriculteurs mettent fin à leurs jours en France. Un drame omniprésent et dans les esprits de tous les participants. Ainsi, le député de Moselle Alexandre Loubet nous montre un échange de SMS entre lui et la FDSEA du département : ces derniers sont contraints d’annuler la rencontre avec le député du RN en raison du suicide d’un des leurs âgé d’une vingtaine d’années. « Un drame », souffle le député Loubet, qui y voit l’une des nombreuses conséquences d’une « politique qui ne protège pas ses agriculteurs ».

Si la France est un pays multi-fracturé et que le terme de « France périphérique » sépare désormais les centres urbains multiculturels et une France rurale touchée de plein fouet par l’abandon de l’État, une fracture était en tout cas particulièrement visible : l’absence totale de la NUPES dans cette manifestation. « Les députés RN et LR sont aujourd’hui dans la rue pour défendre les pesticides […] aussi appelés tueurs d’abeilles. Incompréhensible de défendre un tel poison pour la nature et l’humanité », s’est contenté de tweeter le député LFI Antoine Léaument. Élu dans l’Essonne, cet Insoumis oublie simplement de préciser que cet agent chimique est essentiel dans la culture de la betterave sucrière et que « rien n’a été prévu pour remplacer ce produit », affirment les agriculteurs qui ironisent sur « le miel de betterave » que mangerait Antoine Léaument et rappellent que « les abeilles ne butinent pas la betterave et que cette interdiction française met la France à la merci » d’une concurrence peu embarrassée par ces considérations.

Las. Pendant que la droite est au chevet des paysans, la gauche privilégie la lutte contre la réforme des retraites dans un cortège où le RN n’est pas le bienvenu. Deux France, deux crises, deux fractures. Pourtant, ces deux causes ne sont pas incompatibles. « On s’en fout, d’avoir les genoux bousillés à 60 ans. Les nôtres le sont déjà à 45 ans... » ironise un agriculteur venu de l’Oise. Comme le symbole d’une société revendiquant le droit à la paresse tandis que ceux qui travaillent à perte sont à genoux.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

45 commentaires

  1. Depuis 2017 avec Macron nous perdons notre agriculture et nos entreprises. Il a baissé le pouvoir d’achat et met la faute sur le conseil de l’Union Européenne. Toutes les excuses sont bonnes mais c’est lui l’irresponsable et ubuesque président qui fait du fric sur notre dos. Toutes les augmentations des énergies c’est lui le décideur. Tous les experts en économie l’ont bien dévoilé sa façon de gérer pour les intérêts des oligarques. Il a assuré son avenir avant de partir en 2027. Les idiots parlementaires suivent comme des moutons. Et certains citoyens ne réagissent pas. Il faut 18 millions de manifestants dans les rues pour arrêter toutes ses magouilles. Nous n’avons plus le droit d’attendre pour l’avenir de nos enfants dans l’agriculture, nos entreprises privées et tout le personnel médical.
    Chassons les énarques !

  2. Alors quand les tracteurs prennent les Invalides, on ne leur envoie pas les blindés du convoi de la liberté ? Les temps ont donc changé. Ceci dit le monde rural souffre : les éoliennes, les migrants à accueillir de force et des contraintes lourdes sur l’agriculture. je comprends leur colère même si je n’apprécie pas du tout une agriculture « chimique ».

  3. Que faudra t-il qu’il se passe en FRANCE pour que « les français d’en bas » sortent la tête de l’eau ? …
    Les tracteurs dans Paris ne changeront pas l’idéologie de macron et vonderlayen … Le problème c’est qu’au moment du Salon de l’Agriculture, il y aura encore des paysans pour discuter voire lui serrer la main à ce coucou politicard …
    La VIE française est en putréfaction grâce à ces mondialistes qui ont démarrer ce fracas à partir de « l’ère Pompidou » …
    macron est la pire chose qui soit arrivée au pouvoir français de toute son Histoire …
    Mise en destitution au plus vite, et procès pour « haute trahison envers la nation » ET « mise en danger de mort avec préméditation des français » … Destitution de tous ses « avantages » liés à son poste de président et tous ses aventages liés à ses anciens postes ( dont ministre ) …
    Dans le privé, un employé est viré comme un nétron s’il est responsable d’une faute grave … macron est « employé » par LA FRANCE ! … Donc sanction car son bilan est plus nuisible qu’un tsunami et une catastrophe nucléaire réunis …

  4. J’enrage. E.Macron déconstruit ouvertement la France . La majorité des médias reste inerte . Arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim sans capacités de remplacement. Macron achète de l’énergie électrique à des prix exorbitants. Mise en congé de soignants indispensables ? La crise de la Covid est passée, Macron ne les réintègre pas malgré une pénurie de soignants. Contrairement aux autres pays de l’U.E. Macron supprime un pesticide nécessaire à la culture de la betterave sans prévoir son remplacement. Nous avons une armée à la corde, Macron distribue nos armements. La langue française est mitée avec l’écriture inclusive, Macron ne bouge pas. L’Education Nationale est pénétrée par des associations subversives, Macron ne bouge toujours pas. L’immigration enfle l’insécurité, Macron nous amuse avec des réformettes mais laisse les frontières ouvertes. Etc. Si ce n’est pas de la déconstruction volontaire de la France dites-nous ce que c’est.

  5. Nos gouvernants depuis de trop longtemps bradent la France en se soumettant à Bruxelles. Ce deux poids de mesures entre les restrictions imposées à nos agriculteurs et le reste de l’europe devrait à minima ne pas être suivie par nos nos dirigeants ou si impossibilité, nous conduire à quitter cette Union-Européenne qui saborde ainsi notre souveraineté nationale.

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