Débat parlementaire : un peu de tenue !

Assemblée nationale

 Alexis Corbière, qui aurait sans doute aimé être l’assistant parlementaire de Danton ou de Robespierre, estimait, la semaine dernière, aux « Grandes Gueules » sur RMC, qu’« on a perdu l’habitude du débat parlementaire ». Et notre prof d’histoire qui se prend pour un historien d’ajouter : « Avec la Ve République, tout le pouvoir est sur le Président et on a oublié toute l’histoire du pays du XIXe et du XXe siècle où ça débat et ça s’invective. » Comme si l’Assemblée nationale était sortie d’un seul coup de plus de soixante années de léthargie. Et bien sûr, grâce à LFI et à son équipée de débraillée et de braillards ! Pourtant, des saillies, des invectives, des débats, l’Assemblée nationale en a connu quelques-uns, et pas des moindres, tout au long de la Ve.

On n’a pas oublié les propos du socialiste André Laigniel : « Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire. » C’était le 13 octobre 1981. La gauche pouvait alors tout se permettre, tout faire, tout dire. À l’époque, le trentenaire Mélenchon, qui était Premier secrétaire du PS de l’Essonne, ne devait sans doute rien avoir à redire à cet axiome implacable sentant son Robespierre sur le retour.

Des invectives, aussi, il s’en est toujours échangé à l’Assemblée nationale. On ne va pas s’essayer à en faire la litanie, ça ne tiendrait pas sur cette page. Un seul exemple, toujours sous cette fameuse Ve. Avril 1967, alors que Georges Pompidou est à la tribune pour défendre sa politique, l’ambiance s’échauffe, François Mitterrand mène alors la danse de l’opposition. Le Monde de l’époque évoque le « tumulte » (rien de nouveau !) régnant dans l’Hémicycle. Un député gaulliste de la majorité, René Ribière, particulièrement agité, est repéré par le socialiste Gaston Defferre qui l’interpelle ainsi : « Taisez-vous, abruti ! » L’affaire se régla le lendemain par un duel à l’épée. Le dernier duel connu dans le monde parlementaire.

À ce « Taisez-vous abruti » fait écho un « Tu vas la fermer ! » lancé par le député guadeloupéen Olivier Serva, du groupe Libertés, Indépendants (LIOT), le 24 novembre dernier, à l’adresse d’un de ses collègues. Ou encore ce très élégant « Il est temps que tu fermes ta grande gueule », lâché la semaine dernière, lors d’une suspension de séance, par le très propre sur lui Sacha Houlié, député macroniste de la Vienne, à l’encontre du RN Jean-Philippe Tanguy qui venait de lui reprocher de n’avoir jamais travaillé de sa vie. Comme, aujourd’hui, le tweet est plus pratiqué que l’épée, la présidente de l'Assemblée peut dormir tranquille… En tout cas, que de chemin parcouru, entre l'invective de 1967 et celle de 2023. Pour dire la même chose, le choix des armes n'est pas le même. Comme on dit aujourd'hui, on a baissé en gamme. Et lorsque Gérald Darmanin se plaît à répondre dans l’Hémicycle à Louis Boyard, en déclarant « Oui, M. le député, vous êtes la caricature de ce que j’ai essayé de dénoncer dans Le Parisien, c’est la bordélisation du pays », ne rajoute-t-il pas de la vulgarité au débat qui n’en a pas vraiment besoin ? Lorsqu'on est ministre, il y a un vocabulaire que l’on peut éventuellement tenir dans les colonnes d’un journal mais pas sous celles du palais Bourbon.

Quant au débat, parlons-en ! La Ve République a connu de grands débats, n’en déplaise à Alexis Corbière. Pour qu’il y ait grand débat, il faut, bien sûr, qu’il y ait un grand sujet. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi de grands orateurs. On se souvient encore du discours de Philippe Séguin prononcé à la tribune, le 5 mai 1992, sur la ratification du traité de Maastricht. « L'Europe qu'on nous propose n'est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 est littéralement l'anti-1789… » Passage que le socialiste Didier Migaud interrompit d’un ironique « Heureusement que vous le signalez ! ». Un Didier Migaud qui succéda, d’ailleurs, quelques années plus tard à Philippe Séguin à la Cour des comptes...

Oui, on se souvient du discours de Philippe Séguin. Qui se souviendra du discours d’Élisabeth Borne sur cette réforme des retraites, pourtant si importante, nous dit-on, pour notre pacte social ? Et à la triste grisaille technocratique répond, aujourd’hui, la triste pagaille gauchiste. L'air du temps ? On n'ose y croire.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

7 commentaires

  1. LFI, « La France Invective ».
    Ces gens-là ont un bagout particulier pour jeter l’opprobre sur les autres « élus », particulièrement de droite, afin de mieux dissimuler leurs propres turpitudes !

  2. Pour une fois Mr Darmanin n ‘avait pas tort. SI on trouve choquant de parler de « bordel » en France, de « bordelisation » plus exactement, c’est qu’ on a vraiment les oreilles très sensibles. Malheureusement notre ministre ne fait pas grand chose en pratique pour remettre les choses en bon ordre en réalité.

  3. Brailler et se débrailler, c’est la façon d’être des artistes de la Nupes . Au Bourbon-Circus on est ainsi passé des propos d’hémicycle aux invectives des Tricoteuses des balcons .

  4. La conduite de « l’élite » est le reflet du délitement de la société française, quant au niveau des débats à l’assemblée il est au niveau des hommes et femmes qui le constitue, de petites gens sans culture pour la majorité.

  5. La France et ses habitants ont les politiciens qu’ils méritent sinon notre pays ne serait pas en voie de sous développement !

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