De Flavien Termet à Mathieu de Montmorency-Laval, ces benjamins de l’Assemblée

©Bibliothèque interuniversitaire de Santé, Licence Ouverte, via Wikimedia Commons
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Avec la démission de Flavien Termet, député RN de la première circonscription des Ardennes, pour raisons de santé, la France perd son plus jeune député élu lors des dernières élections législatives. Au fil de notre histoire républicaine, plusieurs jeunes élus ont marqué l'Assemblée nationale, et le premier « benjamin » d'entre eux fut Mathieu de Montmorency-Laval, élu à l'âge de 22 ans au début de l’effervescence de la Révolution française.

Offrir la liberté

Né le 10 juillet 1766, Mathieu de Montmorency-Laval, issu d'une lignée noble remontant au Moyen Âge, est un jeune aristocrate à l'avenir prometteur. Comme une grande partie de la jeunesse de son temps, il est plutôt séduit par les idées des Lumières, portées par des aspirations de liberté et de justice qui le conduisent naturellement à rejoindre le marquis de La Fayette pour soutenir les colonies américaines dans leur quête d'indépendance. De retour en France et auréolé de gloire, il souhaite offrir à son pays la même liberté conquise par les Américains.

En 1789, alors que les États généraux sont convoqués par Louis XVI, Montmorency est élu pour représenter la noblesse. Toutefois, au fil des débats, il s'éloigne progressivement des idéaux de son rang social pour se rallier aux idées du tiers état, en faveur d'une France plus égalitaire. Lorsque l'Assemblée nationale constituante est formée le 9 juillet 1789, il conserve son siège, prêt à défendre les nouveaux idéaux révolutionnaires et à poursuivre son engagement pour offrir la liberté et l’égalité à tous les Français.

Aristocrate et révolutionnaire

Le 1er août 1789, lors des discussions sur la future Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Mathieu de Montmorency-Laval déclare : « Pour élever un édifice, il faut poser des fondements, on ne tire pas de conséquences sans avoir posé de principes. […] Il est important de déclarer les droits de l’homme avant la Constitution, parce que la Constitution n’est que la suite, n‘est que la fin de cette déclaration […] donnons [l’exemple] à l’univers ; présentons-lui un modèle digne d’être admiré. » Un discours passionné à l'image de son plein engagement pour les réformes sociales.

Sa rupture avec la noblesse se poursuit et devient totale, lors de la nuit du 4 août 1789, lorsqu'il soutient l'abolition des privilèges. Le 19 juin 1790, fidèle à ses principes, il va encore plus loin en proposant l'abandon des noms féodaux par toutes les familles nobles. Il déclare : « Que toutes les armes et armoiries soient abolies, que tous les Français ne portent plus désormais que les mêmes enseignes, celles de la liberté, lesquelles seront désormais fondues avec celles de la France. » Paradoxalement, malgré cette proposition audacieuse qui va entraîner peu à peu le remplacement du nom de Louis XVI par celui de Louis Capet, Montmorency conserve son propre patronyme : un reste d'orgueil aristocratique ?

De progressiste à conservateur

Mais malgré ses preuves d’engagement pour la cause révolutionnaire, Mathieu de Montmorency est soupçonné en raison de ses origines nobles. Comme le disait le révolutionnaire français Pierre Vergniaud, « la Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants ». Ainsi, en 1791, sentant le vent tourner, notre jeune député abandonne son poste, mettant ainsi fin à sa carrière législative, et décide d’émigrer en Suisse. Depuis les montagnes alpines, il demeure alors à l’écart de la Révolution et de l'Empire, ne souhaitant pas collaborer avec eux.

La Restauration de 1814 offre à Montmorency une occasion de revenir en politique. Animé par des remords ou mû par un pragmatisme politique, il prête allégeance à Louis XVIII et se rapproche de la religion, renouant avec un christianisme fervent. Nommé pair de France, il reprend sa place comme acteur politique de la France avant d’être nommé ministre des Affaires étrangères en 1821. Il est rapidement remplacé par Châteaubriand en 1822 et finit sur les bancs de l’Académie française en 1825, mais ne demeurera dans cette auguste institution qu’une seule année avant que la mort ne l’emporte, le 24 mars 1826.

Mathieu de Montmorency-Laval a été à la fois grand acteur des grandes transformations politiques de la France, de la Révolution à la Restauration, et témoin vivant des tensions entre modernité et tradition. Incarnation de deux France, celle du progressisme révolutionnaire et celle du conservatisme monarchique. Le plus jeune député de la Révolution aura montré par son parcours à quel point l'ardeur de la jeunesse peut parfois céder la place à la piété et à la modération.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 02/10/2024 à 13:27.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

5 commentaires

  1. Un traitre à sa lignée mais aussi à son pays, qu’il a livré volontairement aux vampires de la Terreur. Mais suffisamment malin pour échapper à temps à la guillotine qui lui était promise et abandonner la France au triste sort qu’il avait lui-même consolidé. Cet exemple désastreux sera hélas suivi par une multitude de politiques républicains, jusqu’à nos jours.

  2. Alexandre Guiraud (mien lointain parent), fraîchement nommé baron, occupa à sa suite le siège dudit Mathieu à l’Académie Française, où il fut élu contre…Lamartine ! Comme quoi le talent poétique n’est pas toujours le meilleur des gages d’accession honorifique, notre Alexandre n’étant guère connu que par son – modérément digeste – « Cloître de Villemartin », en référence à celui des Carmes de Perpignan, qu’il avait sauvé de l’oubli en l’extrayant des griffes de la démolition et le faisant rebâtir dans sa limouxine demeure…

  3. On nous vend toujours le Révolution française comme une période heureuse et prospère. Elle l’est pour Antoine Léaument. Mais en réalité, si on parle des heures sombres de notre histoire, la dernière décennie du XVIIIème siècle est bien la plus sombre période pour le peuple français, entre guerre civile, massacre de civils, guerres extérieures, famine, instabilité politique, régime de la terreur…

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