Frappes au Liban contre le Hezbollah : quel impact, pour les chrétiens ?

Liban
entretien Richard Haddad

Depuis le début de l'offensive menée par Israël contre le Hezbollah, le Liban est le théâtre de violents affrontements scrutés par le monde entier. Décryptage d'une situation explosive avec Richard Haddad, historien, politologue, spécialiste du Moyen-Orient et directeur des Éditions Godefroy de Bouillon.

Sabine de Villeroché. Que pèse le Hezbollah, au Liban ?

Richard Haddad. Le Hezbollah, c’est d’abord une milice armée, mais aussi un parti politique et une organisation sociale islamiste chiite. Fondé dans les années 80 par la volonté des mollahs iraniens d’exporter la révolution islamique dans les pays de la région, son projet politique est l’instauration, au Liban, d’une république islamique dont les questions d’ordre stratégique sont du seul ressort du Guide suprême de la République islamique d’Iran, ses décisions étant sans appel du fait qu’il fonde son pouvoir sur une légitimité divine. Les chiites au Liban représentent environ 30 % de la population et détiennent, par les quotas communautaires, 28 sièges de députés sur 128 au total. Le Hezbollah et son allié plus modéré Amal, n’obtiennent que 75 % des voix chiites aux élections législatives, malgré les intimidations, les passages à tabac, les enlèvements et les assassinats qu’il fait subir aux candidats chiites opposés à eux, sans compter le fait que ses miliciens armés surveillent les bureaux de vote des régions qu’il contrôle. On peut cependant affirmer qu’il est très influent voire très soutenu par la grande majorité des chiites grâce à sa propagande de défenseur de la communauté et surtout à ses activités éducatives et caritatives.

 

S. d. V. Les autres communautés libanaises soutiennent-elles le Hezbollah ?

R. H. Les autres communautés sont, dans leur écrasante majorité, très opposées au Hezbollah, et particulièrement à son armement illégal qui lui permet d’intimider la classe politique, d’imposer sa volonté au Parlement où il est minoritaire, de pratiquer le trafic de drogue pour se financer et de paralyser les structures de l’État…

Il se trouve dans chaque communauté, et notamment chez les chrétiens, un parti politique allié au Hezbollah. Mais ces alliances sont purement électorales et non idéologiques. Il s’agit de stratégies politicardes qui leur permet de rafler quelques sièges de plus au Parlement grâce aux circonscriptions mixtes. Ces alliés étaient cependant opposés aux activités offensives du Hezbollah à la frontière israélo-libanaise, la considérant comme suicidaire pour le Liban. Or, la milice chiite ne pouvait pas rester inactive après le déclenchement de la guerre à Gaza, suite aux massacres perpétrés par le Hamas. Sa légitimité auprès de la communauté musulmane est fondée sur sa puissance et la menace qu’elle fait peser sur « l’ennemi » israélien. Ne pas agir aurait été perçu comme une trahison. Affaibli et appauvri, le Hezbollah comme l’Iran, son suzerain, n’avait aucun intérêt à déclencher une guerre contre l’État hébreu. Il l’a d’ailleurs fait a minima, espérant une réaction symbolique. Ce ne fut pas le cas : Israël attendait la moindre excuse pour se débarrasser de celui qui menace en permanence son territoire.

 

S. d. V. Quid des chrétiens du Liban ? Dans un communiqué, l’ancien président chrétien, le général Michel Aoun, déplorait la perte du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, éliminé vendredi 27 septembre, en ces termes : « Le Liban a perdu un leader exceptionnel. » Cette réaction est-elle partagée par l'ensemble de la communauté chrétienne ?

R. H. Michel Aoun, c’est Jean-Luc Mélenchon. Il avait besoin du Hezbollah pour être élu président de la République, comme ce dernier a besoin de l’électorat musulman pour accéder à l’Élysée.

Le Hezbollah l’a utilisé pour achever et parfaire sa mainmise totale sur l’État, ses infrastructures et ses finances. Son mandat a été une catastrophe pour le pays, et particulièrement pour les chrétiens. Le Liban a connu, sous sa présidence, non seulement la perte totale de sa souveraineté, mais aussi deux autres catastrophes : la gigantesque explosion du port de Beyrouth (la deuxième plus grande explosion au monde après Hiroshima), qui a ravagé les quartiers chrétiens de la ville et dont la responsabilité incombe à la milice chiite, ainsi que la plus grave crise financière du pays qui a ruiné la classe moyenne chrétienne.

Il aurait vendu père et mère pour arriver au palais présidentiel. Il n’en a pas eu besoin, il a vendu sa communauté et son pays. La famille de l’officier chrétien, pilote d’hélicoptère de l’armée libanaise, qui survolait en 2008 une zone contrôlée par le Hezbollah et qui fut abattu par un missile antiaérien tiré par ce dernier, se souvient encore du refus de Michel Aoun de condamner son allié, de s’en séparer ou d’exiger l’arrestation de l’auteur du tir. Je peux vous assurer que cette famille n’a pas déploré la mort du secrétaire général de cette organisation illégale et terroriste.

Les chrétiens du Liban, dans leur grande majorité, se réjouissent de cette élimination en privé, mais beaucoup n’osent pas l’afficher en public par crainte de mettre en péril « l’unité nationale », une chimère qui n’existe pas et n’existera jamais, car elle supposerait naïvement que des islamistes reconnaissent un État présidé par un mécréant ! Le candidat à la présidence de la République du camp souverainiste (majoritaire au Parlement) ainsi que les chefs des partis qui le constituent ont accusé violemment Hassan Nasrallah, quelques heures avant sa disparition, de mener le Liban à sa perte, ont condamné ses attaques contre Israël et l’ont appelé à livrer ses armes à l’armée libanaise.

 

S. d. V. L'offensive d'Israël est-elle une bonne ou une mauvaise chose, pour les chrétiens du Liban ?

R. H. Cela fait deux décennies que la majorité des Libanais se plaignent de la mainmise du Hezbollah sur le pays. Ces derniers ont manifesté leur mécontentement dans la rue et, ces dernières années, les accrochages armés se sont multipliés entre des militants de partis chrétiens et des miliciens du Hezbollah. Ils n’arrivaient cependant pas à se débarrasser de cette milice, le rapport de force étant totalement déséquilibré. Ils étaient désespérés et attendaient ouvertement une pression diplomatique des grandes puissances et, discrètement, une pression militaire d’Israël. L’État hébreu, en défendant ses propres intérêts, leur a rendu service. À eux, maintenant, d’en profiter pour rétablir leur souveraineté. S’ils comptent ne pas prendre de risque, ne rien faire, s’apitoyer sur leur sort et attendre qu’on leur serve leur liberté sur un plateau, ils vont déchanter. Quant aux chrétiens, ils ne sont pas touchés par les attaques israéliennes qui éliminent ceux qui veulent transformer leur pays en république islamique. Si ce n’est pas une bonne chose pour eux, soit, mais qu’ils cessent alors de se plaindre des conséquences de la politique des mollahs.

Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Dans les années 50 ,quand j’étais enfant, le LIBAN était la « Suisse du moyen Orient  » et en laissant rentrer tous ces Musulmans , petit à petit , ils sont devenus majoritaires , les Chrétiens se sont « effacés » et nous constatons l’état de ce pays aujourd’hui !! Toute ressemblance avec un autre pays que je connais bien ,ne serait que pure coïncidence !!

  2. Voilà qui est clair et net. La France devrait en tirer des leçons, elle qui est en proie – c’est le cas de le sire- à une islamisation rampante et brutale à la fois. Par contre, je crains que Tsahal ne viendra pas l’aider. Elle doit protéger son peuple.

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