« Il y a chaque jour des motifs de s’opposer à Emmanuel Macron, et en particulier à sa démarche de communication tous azimuts qui essaye de nous faire prendre des vessies pour des lanternes »
À l'occasion du premier anniversaire de l'accession d'Emmanuel Macron à l'Élysée, Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate, répond aux questions de Boulevard Voltaire.
Jean-Frédéric Poisson, violences du 1er mai, invasion du siège de La République en marche par les cheminots, le premier anniversaire de l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron semble plus compliqué que prévu. Quel est, selon vous, le problème social en France aujourd’hui ?
C’est d’abord un an d’échec du pouvoir en place. Il avait promis de la prospérité sans effort, un dialogue social performant, une transformation du pays plutôt que sa réforme. Nous en avons aujourd'hui le résultat. Les événements de ces derniers jours montrent à la fois une faillite des pouvoirs publics et leur échec.
D’un côté, il y a Notre-Dame-des-Landes, les manifestations du 1er mai, les violences de la part des Black Blocs qui sont peu ou pas réprimées alors même que certains ont été arrêtés. De l’autre, les cheminots envahissent le siège de La République en marche au milieu d’une grève qui promet d’être encore longue. Cette grève ne sanctionne, d’ailleurs, pas la pertinence de la réforme de la SNCF. Personne ne peut en parler, puisque personne ne sait ce qu’il y a dedans, encore aujourd’hui.
Elle sanctionne surtout le fait d’avoir méprisé les organisations syndicales. On ne peut pas mépriser les organisations syndicales sans en subir immédiatement les retours de bâton.
C’est donc un an complet d’échecs qui est sanctionné par ces différentes manifestations.
Mai 2018, c’est aussi l’anniversaire de Mai 68. Entre la révolte estudiantine, les cheminots, les violences urbaines, craignez-vous une réitération du mouvement et quels sont vos pronostics pour les mois à venir ?
Ma boule de cristal est un peu poussiéreuse et j’ai perdu le chiffon. Prédire l’avenir est difficile, comme le disait Niels Bohr, surtout quand il s’agit du futur.
Je ne peux pas vous répondre. Je ne vois toutefois pas le début de réalisation du grand rêve que les syndicats appellent "la convergence des luttes". Il ne semble pas que les motivations des étudiants et celles des syndicalistes soient massivement tout à fait les mêmes.
Je n’ai pas, non plus, le sentiment que la protestation des étudiants est très conséquente par rapport au niveau de réforme de l’université, même si je ne pense pas que cela changera grand-chose. Le problème n’est pas là.
Je crois que nous allons nous enfoncer dans un ensemble de politiques qui, à nouveau, vont accroître la fracture entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. Cela fera de la France un énième pays anglo-saxon. C’est le rêve d’Emmanuel Macron. Il l’a dit. C’est son projet de TAFTA, la dilution de la France en Europe, la suppression de la taxe pour ceux qui rapatriaient des capitaux indûment exportés ou un peu cachés à l’étranger. Remarquez, de surcroît, qu’il a annoncé cette mesure quelques jours avant le 1er mai. C’est, une fois de plus, une forme de maladresse absolument incroyable.
Nous allons donc probablement entrer dans ce paradoxe dans lequel il y aura davantage de croissance en France, un peu moins de chômeurs (nous le souhaitons tous), mais plus de pauvreté ou d’inégalité. Cette nouvelle croissance produite ne sera pas bien répartie et ne profitera qu’à ceux qui sont déjà en situation d’en profiter. Nous pourrions atteindre ce paradoxe dans lequel la France verrait encore s’appauvrir sa classe moyenne au bénéfice de ceux qui sont déjà possédants, les classes supérieures ou les classes moyennes supérieures, au détriment de ceux qui ont peu. C’est le genre de fracture sociale qu’il aurait fallu combattre et que monsieur Macron ne combat pas.
Les européennes constituent les prochaines échéances politiques. Tout le monde les a un peu dans le champ de vision, puisque aucune opposition forte et claire à Emmanuel Macron n’arrive encore à se faire entendre. Seront-elles le bon moment de faire entendre et incarner davantage cette opposition ?
Ce sera, assurément, une bonne occasion de le faire, d’autant que le pivot du projet politique d’Emmnanuel Macron repose sur la notion de souveraineté européenne. Il l’a dit dans son discours d’Athènes et dans celui de la Sorbonne. Dans ces deux discours, la notion de souveraineté européenne apparaît clairement. Elle n’existe que pour accentuer encore cette caractéristique de l’Europe qui consiste en un marché ouvert qui devra devenir complètement ouvert, après avoir adopté le fameux traité transatlantique, dit TAFTA.
Dans ce contexte, les élections européennes sont une des occasions par excellence pour faire valoir certaines positions.
Mais ce n’est pas la seule. Il y a beaucoup d’autres motifs de s’opposer à la politique d’Emmanuel Macron qui ne relèvent pas de la compétence de l’Union européenne. La politique pénale à l’égard des bloqueurs d’université ou des Black Blocs ne relève pas de l’Europe. Il en est de même pour l’aménagement du territoire ou le mépris des syndicats et des corps intermédiaires. Tout cela ne dépend pas de l’Europe.
Il y a, chaque jour, des motifs de s’opposer à Emmanuel Macron, et en particulier à sa démarche de communication tous azimuts qui essaye de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
La vigilance doit donc être de tous les instants et sur tous les sujets.
Néanmoins, les élections européennes seront, en effet, une occasion emblématique de s’opposer au projet européen d’Emmanuel Macron de façon extrêmement ferme.
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