Vel’ d’Hiv’ : le déshonneur de la récupération

mathilde panot

Ce samedi, la France commémorait la rafle du Vel' d’Hiv'. C’est-à-dire l’arrestation et la déportation de 13.512 juifs vivant en France, dont plus de 4.000 enfants, en juillet 1942. Ce genre de moment où la France doit montrer un visage uni face à une barbarie commise avec la complicité de l’État français. Ce genre de commémoration qui doit laisser de côté les rivalités politiques et les intérêts particuliers afin que tout s’efface devant le sort tragique de ces milliers d’innocents.

Hélas la trêve a été inexistante. À Château-Thierry, dans l’Aisne, se tenait une cérémonie en présence du maire et du député local (le RN Jocelyn Dessigny). Après le dépôt de gerbe du maire qui s’est éclipsé par la suite, le député a prononcé une courte allocution « rendant hommage aux Justes de France et aux victimes d’actes racistes ». Or, quelques heures après la cérémonie, le député reçoit, interloqué, le lien d’un tweet écrit par le maire de Château-Thierry : « Cérémonie des 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv : qu’on le veuille ou non, la présence d’un député RN est pour le moins incommodante. » Une déclaration qui ne passe pas, au vu des réactions sous ce message liant de manière assez perverse le député de la circonscription et la déportation d’innocents. « Je suis d’autant plus étonné que nous nous étions rencontrés deux fois et que nos rapports ont toujours été courtois », s’étonne Dessigny, joint par téléphone. « Je ne souhaite pas commenter ce tweet, je ne veux pas, contrairement à d’autres, faire de la politique sur un épisode aussi tragique. » Appelant au calme, Jocelin Dessigny a toutefois tenu à rappeler que « si le maire était resté jusqu’à la fin de la cérémonie, il aurait sans doute pu écouter mon discours rendant hommage à des habitants de la circonscription qui ont risqué leur vie en cachant des juifs pendant la guerre ». Si Jocelin Dessigny n’a pas voulu faire de politique, il n’a pas échappé aux connaisseurs de la circonscription que le maire de Château-Thierry briguait lui aussi la députation mais a, contrairement au député nouvellement élu, perdu dès le premier tour en arrivant en quatrième position. On peut donc comprendre un dépit politique et un désir d’instrumentalisation qui a fait peu cas de la mort de milliers d’innocents. « Les morts vous écoutent, croyez-vous qu’ils écoutent ça », s’était exclamé Robert Badinter, en 1992, lors de la cérémonie commémorative de la rafle du Vel' d’Hiv', alors que le Président Mitterrand (le premier à assister à cette commémoration) avait été sifflé.

Mais comme souvent, c’est du côté de la NUPES qu’il faut chercher les pires indignités. On peut commencer par Sandrine Rousseau (même si c’est un peu tricher…) : « Il y a 80 ans, nous nous étions tant habitués à l’extrême droite, au nationalisme, au fascisme et à l’antisémitisme, que la rafle du #VeldHiv a pu avoir lieu, organisée par la police française. Au vu et su de tous. Ne rien laisser passer. Jamais. » Sans doute Sandrine Rousseau ignore qui a donné à Philippe Pétain les pleins pouvoirs et qui a voté l’enterrement de première classe de la IIIe République.

Vous trouvez ce tweet scandaleux ? Vous n’avez sans doute pas lu celui de la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale Mathilde Panot : « Il y a 80 ans, les collaborationnistes du régime de Vichy ont organisé la rafle du #VeldHiv. Ne pas oublier ces crimes, aujourd’hui plus que jamais, avec un président de la République qui rend honneur à Pétain et 89 députés RN ! » Vous avez bien lu. Mais c’était sans doute trop fort, puisque les condamnations ont plu de tous les côtés de la classe politique. De la gauche à la droite en passant par les associations d’anciens déportés et les présidents des différentes représentations juives de France. Un message qui a évidemment provoqué l’ire du RN, et particulièrement du jeune député du Gard Pierre Meurin qui a annoncé « porter plainte » contre Mathilde Panot, se sentant « gravement diffamé et insulté », et a appelé ses collègues à l’imiter. On pourrait dire, comme Jean Gabin dans le film Le Président : « J’ai honte, Messieurs, mais je voulais vous prouver que moi aussi je pouvais faire voter les morts… Le procédé est assez méprisable, croyez-moi. » Mais on se contentera de Robert Badinter à propos du même sujet : « Vous m’avez fait honte en pensant à ce qu’il s’est passé là. »dessign

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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