Plus de « Madame », plus de « Monsieur » : on dit merci qui ?

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« Bonjour Mesdemoiselles, au revoir Madame », s’exclamait, un peu nostalgique, la délicieuse Madame Mado, dans Les Tontons flingueurs, en évoquant le « furtif du dimanche » qui préférait, en ce début des années 60, rester devant sa télé le soir « pour voir si, par hasard, il n’serait pas un peu l’homme du XXe siècle » plutôt que d’aller voir ailleurs.

« Mademoiselle » en a pris un sacré coup depuis que Roselyne Bachelot, se piquant d’égalité des sexes, alors qu’elle était ministre de Sarkozy, avait demandé en 2011 la suppression de ce charmant titre de civilité dans les documents administratifs. Aussitôt dit, aussitôt fait - c’est la marque des grands gouvernements réformateurs -, une circulaire du Premier ministre paraissait en février 2012 : « Mademoiselle » devenait un terme « inapproprié ». Comme quoi, jadis, lorsqu'elle était au pouvoir, la « droite » savait déjà très bien faire du wokisme sans le savoir.

La suppression de ce vieux titre de civilité, réservé avant la Révolution aux « personnes de sexe féminin » (comme on dit très laidement aujourd’hui) appartenant à la noblesse et à la bourgeoisie, mariées ou pas et qui vous posait socialement sur les actes officiels, en dit long sur la triste et morne standardisation de notre société, alors même qu’elle n’a jamais été aussi inégalitaire. Il y a encore quelques décennies, il était de coutume de faire précéder le nom d’une grande actrice, mariée ou pas, de ce presque titre de noblesse. Lorsqu’en 2017 mourut, centenaire, la comédienne Danielle Darrieux, beaucoup de journaux eurent l’élégance d’évoquer la disparition de « Mademoiselle Darrieux ». Comme une sorte de nostalgie d’une vieille France qui n’était pas si rance que ça, à bien y réfléchir.

Et l’on apprend qu’au nom, non pas de l’égalité des sexes, mais - la roue à cliquets faisant inexorablement son office - « d’une meilleure prise en compte des évolutions de l’identité de genre », l’administration des impôts préconise désormais de supprimer les « Monsieur » et « Madame » dans les correspondances adressées au contribuable, espèce qui s’adapte à tous les sexes et genres disponibles sur le marché. Fini « Bonjour Madame », « Au revoir Monsieur ». C’est « bonjour » et puis c’est marre. Bien la peine d’avoir élevé ses enfants en leur apprenant tout ça, de les avoir engueulés lorsqu’ils se contentaient d’un malappris et hésitant « Merci ». Merci qui, merci mon chien ? L’administration qui-pense-à-tout a même pensé à la formule de politesse finale, si on peut dire encore comme ça : « Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire. » Point barre.

Vous me direz qu’il faut savoir se mettre à la page. Tiens, si vous rencontrez Emmanuel Macron et sa dame (ou Brigitte Macron et son sieur) en train de faire leurs courses au Lidl du coin, ne vous prenez plus la tête. Dites tout simplement « Bonjour Manu, salut Brigitte » ou « Salut Manu, bonjour Brigitte », c'est vous qui voyez. Les formules surannées, les chichis, les pleins et les déliés, tout ça, c’est fini. Faut être efficace et inclusif, comme la société. Si le contrôleur ou la contrôleuse des impôts vous écrit, c’est pas non plus pour vous inviter à prendre le thé chez la baronne de Rothschild. En revanche, parallélisme des formes oblige, les contribuables n’auront plus à se prendre la tête lorsqu’ils écriront à l’administration des impôts.

Alors, maintenant, la prochaine étape, c’est quoi ? De là à ce qu’on nous sorte un.e très républicain.ne « Citoyen.ne », il n’y a qu’un pas : celui qui nous conduit dans le gouffre ou nous donne envie parfois de tirer l’échelle.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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